Inconstitutionnalité de la loi sur la révision des pensions alimentaires
Le Conseil Constitutionnel devait se prononcer sur la constitutionnalité de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice.
Dans l’ensemble le Conseil constitutionnel a déclaré constitutionnelles les mesures proposées, mais tel n’a pas été le cas de la loi autorisant les directeurs des caisses d’allocations familiales de procéder eux-mêmes à la modification des pensions alimentaires suite à une décision de justice.
Par conséquent, il reviendra toujours au Juge aux affaires familiales de trancher cette question, après le divorce des époux ou hors mariage. Ainsi les parents ou les époux divorcés devront toujours saisir le Juge aux affaires familiales.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
« – Sur l’article 7 :
37. L’article 7 a pour objet de confier aux organismes débiteurs des prestations familiales, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la délivrance de titres exécutoires portant sur la modification du montant d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Cette modification, en fonction d’un barème national, peut porter sur une contribution qui a antérieurement fait l’objet d’une fixation par l’autorité judiciaire, d’une convention homologuée par elle ou d’une convention de divorce par consentement mutuel ou de certaines décisions d’un organisme débiteur des prestations familiales.
38. L’ensemble des députés et sénateurs requérants estiment que ces dispositions méconnaîtraient les principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions, dès lors notamment que les organismes débiteurs des prestations familiales ne présentent pas des garanties d’indépendance et d’impartialité suffisantes puisqu’ils peuvent être conduits à verser les créances alimentaires et à les recouvrer auprès des débiteurs défaillants. Les auteurs des trois premières saisines estiment que ces dispositions méconnaîtraient également le droit à un recours juridictionnel effectif. Selon les députés auteurs de la première saisine, ces dispositions seraient entachées d’incompétence négative et méconnaîtraient l’intérêt supérieur de l’enfant et le principe d’égalité en laissant aux organismes débiteurs des prestations familiales une marge d’appréciation trop
importante dans la révision du montant de la contribution. Les sénateurs auteurs de la troisième saisine font également valoir que ces dispositions méconnaîtraient le principe d’égalité. Enfin, les sénateurs auteurs de la quatrième saisine invoquent la méconnaissance des droits de la défense, du principe du contradictoire et de la séparation des pouvoirs. 39. Les caisses d’allocations familiales sont des personnes privées en charge d’une mission de service public. Or, les dispositions contestées leur donnent compétence pour réviser le montant des contributions à l’entretien et à l’éducation des enfants qui ont fait l’objet d’une fixation par l’autorité judiciaire ou d’une convention homologuée par elle. Si cette révision doit respecter un barème national, les caisses d’allocations familiales doivent se livrer, à cette occasion, à une appréciation de l’évolution des ressources des parents et des modalités de résidence et d’exercice du droit de visite et d’hébergement. En outre, en l’absence de production par un parent des renseignements et documents requis, elles peuvent moduler forfaitairement le montant de la contribution.
40. De plus, en application de l’article L. 581-2 du code de la sécurité sociale, les organismes débiteurs des prestations familiales sont tenus de verser l’allocation de soutien familial en cas de défaillance du parent débiteur de la contribution pour l’entretien et l’éducation des enfants et peuvent être ainsi intéressés à la détermination du montant des contributions.
41. Par conséquent, et alors même que les décisions de révision prises par les caisses pourraient faire l’objet d’un recours devant le juge aux affaires familiales, le législateur a autorisé une personne privée en charge d’un service public à modifier des décisions judiciaires sans assortir ce pouvoir de garanties suffisantes au regard des exigences d’impartialité découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789.
42. Il résulte de ce qui précède que l’article 7 est contraire à la Constitution ».
Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019
(Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice)
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