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Divorce : lors de la liquidation, il est possible de renoncer tacitement au caractère propre d’un bien

Le 24 janvier 2016

Des époux divorcent. L’un des époux a pendant le mariage, avec des fonds propres acquis un bien.

Après le prononcé du divorce, lors de la procédure de liquidation, l’époux se prévaut du caractère propre des fonds qui ont servi à l’achat du bien, alors qu’au cours de la procédure de divorce il avait déclaré que le bien était commun.

La Cour de cassation a considéré qu’il s’agissait d’un bien commun du fait de la renonciation par l’époux à invoquer le caractère propre du bien lors de la procédure de divorce.

Pour la Cour de cassation, il est possible de renoncer à un droit de manière tacite dès lors que les circonstances établissent de manière non équivoque, la volonté de renoncer, ce qui avait été le cas en l’espèce, puisque l’époux avait soutenu pendant l’instance en divorce que ledit bien était commun.

En principe, du fait de l’immutabilité des régimes matrimoniaux, il n’est possible de changer de régime matrimonial qu’en exerçant la procédure de changement de régime matrimonial prévue par l’article 1397 du Code civil.

Il s’agit en l’espèce d’une autre exception : il est donc possible de changer un bien propre en bien commun lors du divorce ou de la liquidation, même de manière tacite.

 

« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2013), qu'au cours de son mariage avec Mme X..., avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté, M. Y... a acquis, avec des fonds propres, vingt actions de la société Parc résidentiel du Mont des oiseaux, donnant droit à l'attribution en jouissance, puis en pleine propriété, à un terrain situé sur la commune de Hyères ; que l'acte notarié comportait la déclaration d'emploi prévue à l'article 1434 du code civil et mentionnait l'intervention de l'épouse pour le confirmer ; qu'un arrêt du 11 février 2009 a prononcé leur divorce et fixé la prestation compensatoire due par M. Y... à Mme X... ; que des difficultés sont nées pour la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire que, si l'immeuble constitue un bien lui appartenant en propre dans les rapports avec les tiers, il constitue un bien commun dans les rapports entre époux, d'ordonner sa vente aux enchères et de dire que le prix de vente sera versé entre les mains du notaire commis pour la liquidation du régime matrimonial alors, selon le moyen :

1°/ que seuls les éléments du dispositif d'un arrêt ont un caractère décisoire et sont revêtus de l'autorité de la chose jugée ; qu'à supposer que l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 11 février 2009, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, ait considéré que l'immeuble de l'Hyères était commun, en toute hypothèse, c'est un point qui n'a été évoqué que dans les motifs et qui n'a fait l'objet d'aucune mention dans le dispositif ; qu'en se fondant sur l'arrêt du 11 février 2009, pour considérer que l'immeuble devait être traité comme commun, les juges du fond ont violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;

2°/ que dès lors que l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 11 février 2009 n'avait pas pris parti, dans un dispositif à caractère décisoire, sur le statut de l'immeuble, M. Y... était recevable à inviter le juge à considérer que l'immeuble était un bien propre ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 31 du code de procédure civile ;

3°/ qu'au titre de leur obligation de motiver, les juges du fond sont tenus d'identifier la règle en considération de laquelle ils statuent et font droit à une demande ; que si en l'espèce, les juges du fond ont évoqué le contenu des conclusions de M. Y... dans le cadre de la procédure en divorce, ils ont laissé incertain le fondement juridique de leur décision en tant qu'elle visait les conclusions déposées au cours de la procédure d'appel ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué encourt la censure pour violation de l'article 12 du code de procédure civile ;

4°/ qu'indépendamment des critiques qu'articule le premier moyen, les règles relatives au remploi, telles qu'énoncées à l'article 1434 du code civil, ne font pas de distinction entre les rapports entre époux et les rapports avec les tiers ; qu'il n'en va autrement qu'à défaut de remploi dans l'acte d'acquisition ; qu'en l'espèce précisément, il était constant, et les juges du fond le constatent, que le bien était acquis au moyen de fonds propres du mari et que l'acte d'acquisition comporte une déclaration de remploi conformément à l'article 1434 du code civil et signée par les deux époux ; qu'il était dès lors exclu que les juges du fond puissent décider, comme ils l'ont fait, que le bien devait être considéré comme commun dans les rapports entre époux ; que l'arrêt a été rendu en violation de l'article 544 du code civil ainsi que des articles 1401 et 1434 du code civil ;

Mais attendu que la renonciation à un droit peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer ; que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a rappelé que, lors de l'instance en divorce, pour l'appréciation de la prestation compensatoire, M. Y... avait soutenu que le bien litigieux constituait un bien commun, ce dont le juge du divorce avait tenu compte ; que ces énonciations caractérisent une renonciation non équivoque de M. Y... à se prévaloir du caractère propre de ce bien lors de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ».

(Cass, Civ1, 23 septembre 2015, pourvoi n° 14-20168, Publié au bulletin).

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