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Droit européen : notion de résidence habituelle de l’enfant

Le 23 septembre 2018
La Cour de Justice de l'Union Européenne, saisie d'une question préjudicielle, rappelle quel est le Juge compétent pour statuer sur la résidence habituelle d'un enfant au regard du Règlement européen, dit Bruxelles II bis.

Suite à une question préjudicielle posée par le Tribunal polonais à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), la Cour va rappeler les éléments de nature à déterminer quelle est la résidence habituelle d’un jeune enfant et par suite le Tribunal compétent au regard du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (dit Bruxelles II bis)

      HR est une ressortissante polonaise habitant depuis l’année 2005 à Bruxelles (Belgique), où elle travaille, pour une durée indéterminée, en qualité de fonctionnaire titulaire du Service européen pour l’action extérieure (SEAE). KO est un ressortissant belge habitant également à Bruxelles.

 

     HR et KO se sont rencontrés au cours de l’année 2013. Au mois de juin 2014, ils ont emménagé ensemble à Bruxelles. De leur relation est née, le 16 avril 2015, dans cette même ville, une fille, MO, ayant la double nationalité polonaise et belge  et sont tous deux titulaires de la responsabilité parentale à son égard.

Après la naissance de MO, HR a séjourné à plusieurs reprises avec elle en Pologne, avec l’accord de KO, dans le cadre de son congé parental puis de vacances et de périodes de fête, pour des périodes s’étendant parfois jusqu’à trois mois. Lors de ces séjours, HR habitait avec l’enfant chez ses parents à Przesieka (Pologne) ou dans un logement situé à Poznań (Pologne), dont elle est propriétaire depuis l’année 2013.

 

      HR et KO se sont séparés au cours du mois d’août 2016 et, depuis lors, vivent séparément à Bruxelles. MO habite avec HR et, en accord avec celle-ci, KO voit sa fille une fois par semaine, le samedi de 10 h à 16 h. Ce dernier a aménagé dans son logement une chambre pour l’accueillir.

      MO ne va ni à la crèche ni à l’école maternelle. La mère de HR aide cette dernière à s’occuper de l’enfant au quotidien. Auparavant, cette aide lui était fournie par une assistante maternelle d’origine polonaise. HR et MO sont déclarées comme étant résidentes tant en Belgique qu’en Pologne. HR et sa famille communiquent avec l’enfant en polonais, tandis que KO s’adresse à elle en français. Leur fille parle et comprend principalement la première de ces langues.

 

      HR souhaite s’établir en Pologne avec MO, ce à quoi s’oppose KO. Dans ce contexte, HR a saisi, le 10 octobre 2016, le tribunal d’arrondissement de Poznań-Stare Miasto, Pologne d’une demande visant, d’une part, à ce que la résidence de MO soit fixée au lieu de sa propre résidence, quel qu’il soit, et, d’autre part, à ce qu’un droit de visite soit mis en place au profit de KO.

Le Tribunal s’est déclaré incompétent, en estimant que l’enfant a sa résidence en Belgique, infirmée, puis le Tribunal polonais va poser une  demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (JO 2003, L 338, p. 1).

 

La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu la décision suivante :

«  …..Le cadre juridique

 Le règlement no 2201/2003

3        Le considérant 12 du règlement no 2201/2003 énonce :

« Les règles de compétence établies par le présent règlement en matière de responsabilité parentale sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et en particulier du critère de proximité. Ce sont donc en premier lieu les juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle qui devraient être compétentes, sauf dans certains cas de changement de résidence de l’enfant ou suite à un accord conclu entre les titulaires de la responsabilité parentale. »

4        Aux fins de ce règlement, l’article 2, point 9, de celui-ci définit le « droit de garde » comme « les droits et obligations portant sur les soins de la personne d’un enfant, et en particulier le droit de décider de son lieu de résidence ».

5        La section 2, intitulée « Responsabilité parentale », du chapitre II dudit règlement, lui-même intitulé « Compétence », contient notamment les articles 8 à 15 de ce même règlement.

6        L’article 8 du règlement no 2201/2003, intitulé « Compétence générale », prévoit :

« 1.      Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

2.      Le paragraphe 1 s’applique sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 12. »

7        L’article 12 de ce règlement, intitulé « Prorogation de compétence », dispose, à son paragraphe 3 :

« Les juridictions d’un État membre sont également compétentes en matière de responsabilité parentale dans des procédures autres que celles visées au paragraphe 1 lorsque

a)      l’enfant a un lien étroit avec cet État membre du fait, en particulier, que l’un des titulaires de la responsabilité parentale y a sa résidence habituelle ou que l’enfant est ressortissant de cet État membre

et

b)      leur compétence a été acceptée expressément ou de toute autre manière non équivoque par toutes les parties à la procédure à la date à laquelle la juridiction est saisie et la compétence est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. »

8        Aux termes de l’article 15 du règlement no 2201/2003, intitulé « Renvoi à une juridiction mieux placée pour connaître de l’affaire » :

« 1.      À titre d’exception, les juridictions d’un État membre compétentes pour connaître du fond peuvent, si elles estiment qu’une juridiction d’un autre État membre avec lequel l’enfant a un lien particulier est mieux placée pour connaître de l’affaire, ou une partie spécifique de l’affaire, et lorsque cela sert l’intérêt supérieur de l’enfant :

a)      surseoir à statuer sur l’affaire ou sur la partie en question et inviter les parties à saisir d’une demande la juridiction de cet autre État membre conformément au paragraphe 4, ou

b)      demander à la juridiction d’un autre État membre d’exercer sa compétence conformément au paragraphe 5.

[...]

3.      Il est considéré que l’enfant a un lien particulier avec un État membre, au sens du paragraphe 1, si

[...]

c)      l’enfant est ressortissant de cet État membre [...]

[...] »

qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur l’interprétation de la notion de « résidence habituelle » de l’enfant, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003 et, en particulier, sur les éléments permettant de déterminer le lieu de résidence habituelle d’un nourrisson, dans des circonstances telles que celles en cause au principal.

39      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à cette disposition, les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie.

40      En l’absence, dans ce règlement, d’une définition de la notion de « résidence habituelle » de l’enfant ou d’un renvoi au droit des États membres à cet égard, la Cour a itérativement jugé qu’il s’agit d’une notion autonome de droit de l’Union, devant être interprétée au regard du contexte des dispositions mentionnant celle-ci et des objectifs du règlement no 2201/2003, notamment celui ressortant de son considérant 12, selon lequel les règles de compétence qu’il établit sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant et, en particulier, du critère de proximité (arrêts du 2 avril 2009, A, C‑523/07, EU:C:2009:225, points 31, 34 et 35 ; du 22 décembre 2010, Mercredi, C‑497/10 PPU, EU:C:2010:829, points 44 à 46 ; du 9 octobre 2014, C, C‑376/14 PPU, EU:C:2014:2268, point 50, ainsi que du 8 juin 2017, OL, C‑111/17 PPU, EU:C:2017:436, point 40).

41      Selon la jurisprudence de la Cour, la résidence habituelle de l’enfant doit être établie sur la base d’un ensemble de circonstances de fait propres à chaque cas d’espèce. Outre la présence physique de l’enfant sur le territoire d’un État membre, doivent être retenus d’autres facteurs susceptibles de faire apparaître que cette présence n’a nullement un caractère temporaire ou occasionnel et qu’elle traduit une certaine intégration de l’enfant dans un environnement social et familial (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 2009, A, C‑523/07, EU:C:2009:225, points 37 et 38 ; du 22 décembre 2010, Mercredi, C‑497/10 PPU, EU:C:2010:829, points 44, 47 à 49, ainsi que du 8 juin 2017, OL, C‑111/17 PPU, EU:C:2017:436, points 42 et 43).

42      Il ressort de cette jurisprudence que la résidence habituelle de l’enfant, au sens du règlement no 2201/2003, correspond au lieu où se situe, dans les faits, le centre de sa vie. Aux fins de l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement, la juridiction saisie doit déterminer où se situait ce centre au moment de l’introduction de la demande concernant la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant.

43      Dans ce cadre, il convient en général de s’attacher à des facteurs tels que la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour de l’enfant sur le territoire des différents États membres en cause, le lieu et les conditions de scolarisation de celui-ci ainsi que les rapports familiaux et sociaux de l’enfant dans lesdits États membres (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2009, A, C‑523/07, EU:C:2009:225, point 39).

44      Par ailleurs, lorsque l’enfant n’est pas en âge scolaire, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un nourrisson, les circonstances entourant la personne ou les personnes de référence avec lesquelles il vit, qui en ont la garde effective et prennent soin de lui au quotidien – en règle générale, ses parents – présentent une importance particulière pour déterminer le lieu où se situe le centre de sa vie. En effet, la Cour a relevé que l’environnement d’un tel enfant est essentiellement familial, déterminé par cette personne ou ces personnes, et qu’il partage nécessairement l’environnement social et familial de l’entourage dont il dépend (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2010, Mercredi, C‑497/10 PPU, EU:C:2010:829, points 53 à 55).

45      Dès lors, dans le cas où un tel nourrisson vit au quotidien avec ses parents, il convient, notamment, de déterminer le lieu où ceux-ci sont présents de manière stable et intégrés dans un environnement social et familial. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de facteurs tels que la durée, la régularité, les conditions et les raisons de leur séjour sur le territoire des différents États membres en cause, ainsi que les rapports familiaux et sociaux que ceux-ci et l’enfant y entretiennent (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2010, Mercredi, C‑497/10 PPU, EU:C:2010:829, points 55 et 56).

46      Enfin, l’intention des parents de s’établir avec l’enfant dans un État membre donné, lorsqu’elle est exprimée par des mesures tangibles, peut également être prise en compte pour déterminer le lieu de sa résidence habituelle (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 2009, A, C‑523/07, EU:C:2009:225, point 40 ; du 9 octobre 2014, C, C‑376/14 PPU, EU:C:2014:2268, point 52, et du 8 juin 2017, OL, C‑111/17 PPU, EU:C:2017:436, point 46).

47      Ces considérations générales étant rappelées, il ressort de la décision de renvoi que, en l’occurrence, l’enfant MO est née et a habité à Bruxelles avec ses deux parents et que, à la date d’introduction de la demande de fixation des modalités de responsabilité parentale, consécutivement à la séparation de ces derniers, elle vivait toujours à Bruxelles chez HR, cette dernière exerçant, en fait, la garde de l’enfant. Il ressort également de cette décision que HR, qui vit depuis plusieurs années dans cette même ville, y exerce une activité professionnelle s’inscrivant dans le cadre d’une relation de travail à durée indéterminée. Ces circonstances tendent ainsi à démontrer que, au moment de la saisine de la juridiction de renvoi, HR et l’enfant qui dépend d’elle étaient présents de manière stable sur le territoire belge. En outre, eu égard à sa durée, sa régularité, ses conditions et ses motifs, un tel séjour traduit, en principe, une certaine intégration du parent en question dans un environnement social partagé par l’enfant.

48      Par ailleurs, s‘il est vrai que, lorsque ses parents résident séparément, l’environnement familial d’un nourrisson est déterminé, pour une large part, par le parent avec lequel il vit au quotidien, l’autre parent fait également partie de cet environnement, pour autant que l’enfant ait toujours des contacts réguliers avec lui. Ainsi, dans la mesure où une telle relation existe, il convient d’en tenir compte afin de déterminer le lieu où se situe le centre de la vie de l’enfant.

49      Le poids à accorder à cette relation varie en fonction des circonstances de chaque cas d’espèce. Pour les besoins d’une affaire telle que celle au principal, il suffit de relever que le fait pour l’enfant d’avoir initialement habité, dans la ville où il séjourne d’ordinaire, également avec cet autre parent de même que le fait que ce parent réside toujours dans cette ville et a des contacts hebdomadaires avec l’enfant mettent en évidence que ce dernier est intégré, dans la ville en question, dans un environnement familial constitué de ses deux parents.

50      Certes, il ressort également de la décision de renvoi que l’enfant MO a séjourné à plusieurs reprises, parfois jusqu’à trois mois, en Pologne, État membre dont HR est originaire et où réside sa famille.

51      À cet égard, il est néanmoins établi que ces séjours de MO en Pologne avaient pour motifs les congés de sa mère et les périodes de fête. Or, il convient de préciser que des séjours effectués par un enfant avec ses parents, par le passé, sur le territoire d’un État membre dans le cadre de vacances correspondent, en principe, à des interruptions occasionnelles et temporaires du cours normal de leur vie. De tels séjours ne sauraient donc, en règle générale, constituer des circonstances déterminantes dans le cadre de l’appréciation du lieu de la résidence habituelle de l’enfant. Le fait que, en l’occurrence, ces séjours ont parfois duré plusieurs semaines, voire quelques mois, ne remet pas, en soi, en cause la pertinence de ces considérations.

52      Dans ce contexte, n’est pas non plus déterminant le fait que HR est originaire de l’État membre en question et que, à ce titre, l’enfant partage la culture de cet État – ce qu’attesteraient notamment la langue dans laquelle il s’exprime principalement et le fait qu’il y a été baptisé – et entretient des relations avec les membres de sa famille résidant dans ledit État.

53      Certes, comme HR et le gouvernement polonais l’ont souligné dans leurs observations, la Cour a jugé, dans son arrêt du 22 décembre 2010, Mercredi (C‑497/10 PPU, EU:C:2010:829, point 55), que les origines géographiques et familiales du parent exerçant la garde de l’enfant peuvent entrer en ligne de compte pour déterminer l’intégration dans un environnement social et familial dudit parent et, par déduction, celle de l’enfant.

54      Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé au point 41 du présent arrêt, la détermination de la résidence habituelle de l’enfant, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003, implique une analyse globale des circonstances propres à chaque cas d’espèce. Les indications données dans le cadre d’une affaire ne peuvent donc être transposées à une autre qu’avec circonspection.

55      À cet égard, dans l’affaire à l’origine de l’arrêt du 22 décembre 2010, Mercredi (C‑497/10 PPU, EU:C:2010:829), Mme Mercredi avait quitté le Royaume-Uni, où elle résidait auparavant avec sa fille, pour l’île de la Réunion (France), alors que cette dernière n’était âgée que de deux mois. Au moment où ce déplacement avait eu lieu, Mme Mercredi disposait seule du droit de garde sur l’enfant, au sens de l’article 2, point 9, du règlement no 2201/2003. Dans la mesure où, à la date d’introduction du recours dans cette affaire, la mère et la fille ne séjournaient que depuis quelques jours sur l’île en question, il s’agissait de déterminer si la résidence habituelle de l’enfant, au sens de ce règlement, demeurait au Royaume-Uni ou si, compte tenu d’un tel déplacement géographique, elle avait été transférée en France. Dans ce contexte, les circonstances selon lesquelles Mme Mercredi était originaire de cette île, que sa famille y habitait encore et qu’elle parlait français constituaient des indices de nature à démontrer un déménagement permanent de cette dernière et, ainsi, le transfert de la résidence habituelle de sa fille.

56      En revanche, dans un contexte tel que celui de l’affaire au principal, les origines géographiques du parent exerçant, en fait, la garde de l’enfant et les relations que ce dernier entretient avec sa famille dans l’État membre concerné ne sauraient occulter, aux fins de la détermination du lieu où se situe le centre de la vie de l’enfant, les circonstances objectives indiquant qu’il séjournait de manière stable avec ce même parent dans un autre État membre au moment de l’introduction de la demande concernant la responsabilité parentale.

57      En outre, s’agissant des attaches d’ordre culturel d’un enfant à l’égard de l’État membre dont ses parents sont originaires, il est vrai que celles-ci peuvent mettre en évidence l’existence d’une certaine proximité entre l’enfant et l’État membre en question, correspondant, en substance, à un lien de nationalité. Les connaissances linguistiques de l’enfant et sa nationalité peuvent également constituer, le cas échéant, un indice du lieu où il réside habituellement (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2009, A, C‑523/07, EU:C:2009:225, point 39).

58      Toutefois, le législateur de l’Union n’a accordé, dans le règlement no 2201/2003, en matière de responsabilité parentale, qu’une place limitée à de telles considérations. En particulier, en vertu de ce règlement, la compétence des juridictions de l’État membre dont l’enfant a la nationalité ne peut prévaloir sur celle des juridictions de l’État membre de sa résidence habituelle que dans les circonstances et les conditions limitativement énumérées aux articles 12 et 15 dudit règlement.

59      Ce choix procède d’une certaine conception de l’intérêt supérieur de l’enfant. En effet, le législateur de l’Union considère que les juridictions géographiquement proches de la résidence habituelle de l’enfant sont généralement les mieux placées pour apprécier les mesures à adopter dans son intérêt (voir, en ce sens, arrêts du 23 décembre 2009, Detiček, C‑403/09 PPU, EU:C:2009:810, point 36 ; du 15 juillet 2010, Purrucker, C‑256/09, EU:C:2010:437, point 91, ainsi que du 15 février 2017, W et V, C‑499/15, EU:C:2017:118, points 51 et 52).

60      On ne saurait donc, pour l’interprétation de la notion de « résidence habituelle » de l’enfant, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003, accorder une importance prépondérante aux attaches d’ordre culturel de l’enfant ou à sa nationalité au détriment de considérations géographiques objectives, sauf à méconnaître l’intention du législateur de l’Union.

61      Enfin, la circonstance que le parent exerçant, dans les faits, la garde de l’enfant ait, le cas échéant, l’intention de retourner vivre avec lui dans l’État membre dont ce parent est originaire ne saurait être décisive dans un contexte tel que celui de l’affaire au principal.

62      Certes, ainsi qu’il a été rappelé au point 46 du présent arrêt, l’intention des parents est susceptible de constituer un facteur pertinent pour déterminer le lieu où se situe la résidence habituelle de l’enfant.

63      Toutefois, d’une part, la circonstance qu’un enfant est, dans les faits, gardé par l’un de ses parents ne signifie pas que l’intention parentale se résume dans tous les cas à la seule volonté de ce dernier. En effet, pour autant que les deux parents sont titulaires du droit de garde sur l’enfant, au sens de l’article 2, point 9, du règlement no 2201/2003 et entendent exercer ce droit, la volonté de chacun d’eux doit être prise en compte.

64      D’autre part, et en tout état de cause, la détermination de la résidence habituelle de l’enfant, au sens du règlement no 2201/2003, reposant essentiellement sur des circonstances objectives, l’intention des parents n’est, en principe, pas en soi décisive à cet égard. Il s’agit seulement, le cas échéant, d’un indice de nature à compléter un faisceau d’éléments concordants (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, OL, C‑111/17 PPU, EU:C:2017:436, points 47 et 51).

65      Dès lors, la volonté du parent exerçant, dans les faits, la garde de l’enfant de s’établir avec lui, à l’avenir, dans l’État membre dont ce parent est originaire, qu’elle soit avérée ou non, ne saurait, à elle seule, emporter établissement de la résidence habituelle de l’enfant dans cet État membre. Ainsi que le fait valoir le gouvernement tchèque, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, la question du lieu où se situait, à la date d’introduction de la demande concernant la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant, la résidence habituelle de ce dernier ne saurait se confondre avec celle d’un éventuel transfert futur de cette résidence habituelle dans un autre État membre. Le fait que ledit parent ait eu, à cette date, la volonté de s’établir à l’avenir dans son État membre d’origine ne permet donc pas de conclure que l’enfant y résidait d’ores et déjà à ladite date.

66      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003 doit être interprété en ce sens que la résidence habituelle de l’enfant, au sens de ce règlement, correspond au lieu où se situe, dans les faits, le centre de sa vie. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer où se situait ce centre au moment de l’introduction de la demande concernant la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant, sur la base d’un faisceau d’éléments de fait concordants. À cet égard, dans une affaire telle que celle au principal, au regard des faits établis par cette juridiction, constituent, ensemble, des circonstances déterminantes :

–        le fait pour l’enfant d’avoir habité, depuis sa naissance jusqu’à la séparation de ses parents, généralement avec eux en un lieu donné ;

–        la circonstance selon laquelle le parent exerçant, depuis la séparation du couple, la garde de l’enfant dans les faits séjourne toujours au quotidien avec lui en ce lieu et y exerce son activité professionnelle, laquelle s’inscrit dans le cadre d’une relation de travail à durée indéterminée, et

–        le fait pour l’enfant d’avoir, dans ledit lieu, des contacts réguliers avec son autre parent, qui réside toujours en ce même lieu.

En revanche, dans une affaire telle que celle au principal, ne sauraient être considérés comme étant des circonstances déterminantes :

–        les séjours que le parent exerçant, dans les faits, la garde de l’enfant a effectués, par le passé, avec celui-ci, sur le territoire de l’État membre dont ce parent est originaire dans le cadre de ses congés ou de périodes de fêtes ;

–        les origines du parent en question, les attaches d’ordre culturel de l’enfant à l’égard de cet État membre qui en découlent et ses relations avec sa famille résidant dans ledit État membre, et

–        l’éventuelle intention dudit parent de s’établir avec l’enfant, à l’avenir, dans ce même État membre……

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

L’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000, doit être interprété en ce sens que la résidence habituelle de l’enfant, au sens de ce règlement, correspond au lieu où se situe, dans les faits, le centre de sa vie. Il appartient à la juridiction nationale de déterminer où se situait ce centre au moment de l’introduction de la demande concernant la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant, sur la base d’un faisceau d’éléments de fait concordants. À cet égard, dans une affaire telle que celle au principal, au regard des faits établis par cette juridiction, constituent, ensemble, des circonstances déterminantes :

–        le fait pour l’enfant d’avoir habité, depuis sa naissance jusqu’à la séparation de ses parents, généralement avec eux en un lieu donné ;

–        la circonstance selon laquelle le parent exerçant, depuis la séparation du couple, la garde de l’enfant dans les faits séjourne toujours au quotidien avec lui en ce lieu et y exerce son activité professionnelle, laquelle s’inscrit dans le cadre d’une relation de travail à durée indéterminée, et

–        le fait pour l’enfant d’avoir, dans ledit lieu, des contacts réguliers avec son autre parent, qui réside toujours en ce même lieu.

En revanche, dans une affaire telle que celle au principal, ne sauraient être considérés étant comme des circonstances déterminantes :

–        les séjours que le parent exerçant, dans les faits, la garde de l’enfant a effectués, par le passé, avec celui-ci, sur le territoire de l’État membre dont ce parent est originaire dans le cadre de ses congés ou de périodes de fêtes ;

–        les origines du parent en question, les attaches d’ordre culturel de l’enfant à l’égard de cet État membre qui en découlent et ses relations avec sa famille résidant dans ledit État membre, et

–        l’éventuelle intention dudit parent de s’établir avec l’enfant, à l’avenir, dans ce même État membre ».

(CJUE, 28 juin 2018, C-512/17, HR contre KO, suite à une question préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy Poznań – Stare Miasto w Poznaniu (tribunal d’arrondissement de Poznań – Stare Miasto, Pologne).

 

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