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Enlèvement international d'enfant et intérêt de l'enfant

Le 06 septembre 2024
Enlèvement international d'enfant et intérêt de l'enfant
La Cour de cassation en matière d'enlèvement international d'enfant, rappelle les conditions particulières et exceptionnelles dans lesquelles un enfant illicitement déplacé, peut être renvoyé dans un Etat autre de celui de sa résidence habituelle

Enlèvement international d’enfant

Par un arrêt du 26 juin 2024, la Cour de cassation a précisé l’application des dispositions du règlement 2019/1111 relatif à l’enlèvement international d’enfant. Elle a ensuite, dans un arrêt du 10 juillet 2024, précisé l’application de la Convention de la Haye dans le cadre d’un déplacement illicite d’enfant.

1ère Civ, Cour de cassation, 26 juin 2024, n°24-12.156

1ère Civ, Cour de cassation, 10 juillet 2024, n°24-12.156

 

Dans cette affaire, une femme de nationalité ukrainienne et un homme de nationalité danoise se sont mariés et installés au Danemark en 2017. Au bout d’un an, l’épouse enceinte est retournée vivre en Ukraine. Son époux est resté au Danemark. L’enfant est né quelque temps après en Ukraine. C’est donc depuis sa naissance que l’enfant vivait en Ukraine sans avoir vu son père.

Une décision du 26 février 2019 a fixé les conditions de participation du père à l’éducation de l’enfant et ses droits de visite en présence et au domicile de la mère, lors de son séjour en Ukraine. Par la suite, les époux ont divorcé.

En mars 2022, la mère s’installe en France avec son fils sans avertir le père de l’enfant de ce départ. Un jugement est rendu en novembre 2022 ordonnant à la mère de ne pas empêcher le père de communiquer avec son enfant, et d’organiser le droit de visite de ce dernier lors de son séjour en Ukraine.

Le père a par la suite entamé une procédure judiciaire en France devant le juge aux affaires familiales afin d’obtenir le retour de son fils au Danemark en application de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980, portant sur les aspects civils de l’enlèvement d’enfant.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a refusé d’ordonner le retour de son fils au Danemark.

Le 6 février 2024, Monsieur a donc formé un pourvoi contre le refus de la décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence et a fait une requête pour demander l’établissement d’un contact entre lui et l’enfant.

I – Sur l’établissement d’un contact entre l’enfant et son père.

Dans son arrêt du 26 juin 2024, la Cour de cassation a déclaré irrecevable la requête formulée par Monsieur pour établir un contact entre lui et l’enfant en application du Règlement (UE) 2019/1111 du Conseil du 25 juin 2019 relatif à l’enlèvement d’enfant.

En effet, en matière d’enlèvement d’enfant, la Convention de la Haye est en principe le texte applicable, et elle est complétée par le règlement (UE) 2019/1111 depuis le 1er août 2022.

La Cour de cassation retient que la résidence habituelle de l’enfant, immédiatement avant son déplacement en France se situait en Ukraine. Or, l’Ukraine est un Etat tiers à l’Union européenne de sorte que le règlement visé n’est pas applicable.

Ainsi, il faut retenir que le règlement de l’Union européenne visé qui complète la Convention de la Haye n’est applicable que lorsque l’Etat de résidence de l’enfant immédiatement avant son déplacement, est un état membre de l’UE, et non un Etat tiers.

II – Sur le retour de l’enfant au Danemark

La Cour d’appel admet que le déplacement de l’enfant de l’Ukraine, vers la France est un déplacement illicite, soit un enlèment international d'enfant, car il est fait en violation du droit de garde du père.

Cependant, la Cour d’appel refuse d’ordonner le retour de l’enfant au Danemark pour plusieurs raisons.

D’une part, l’enfant n’a jamais vu son père et a toujours vécu avec sa mère. D’autre part, l’ensemble de son environnement familial est désormais en France, lieu de résidence de la mère et de ses grands-parents maternels. De plus, l’enfant n’a aucun lien familial avec le Danemark. La Cour d’appel ne souhaite pas imposer à la mère de vivre au Danemark.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 10 juillet 2024, rejette le pourvoi formé par le père.

En effet, la Cour de cassation rappelle que la Convention de la Haye ne précise pas le pays de destination pour le retour de l’enfant. Toutefois, la Cour rappelle que le préambule et le rapport de cette convention font primer l’intérêt de l’enfant et le maintien des liens avec les parents. C’est pourquoi, le principe en la matière est le retour de l’enfant vers son Etat de résidence avant le déplacement illicite.

La Cour de cassation rappelle également qu’il est possible d’ordonner le retour de l’enfant dans un Etat autre que celui de sa résidence habituelle mais uniquement de manière exceptionnelle et toujours dans l’intérêt de l’enfant

Ainsi, la Cour doit s’assurer que le retour de l’enfant se fasse dans un environnement qui est favorable à l’enfant. Elle doit aussi s’assurer de la continuité des conditions d’existence et de développement de l’enfant.

En l’espèce, l’enfant n’a jamais vécu au Danemark, ni avec son père. La Cour constate que l’enfant n’a pas d’environnement familial au Danemark, alors qu’en France la mère offre des conditions matérielles et affectives suffisantes pour l’épanouissement de l’enfant.

C’est donc bien l’intérêt de l’enfant qui prime dans le cadre d’une procédure relative à l’enlèvement international d’enfant. Le silence de la Convention sur l’Etat de destination pour le retour de l’enfant n’est pas anodin. En effet, les rédacteurs de la Convention de la Haye ont souhaité une souplesse du texte pour permettre aux juges de s’assurer de l’existence d’un environnement familial stable et favorable à l’enfant. Ce n’est pas dans l’intérêt de l’enfant d’être dans un pays avec lequel il n’a aucun lien familial.

  

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