Divorce: compétence du juge français : détermination de la résidence habituelle
La question de la détermination du lieu de résidence habituelle du couple, au sens du règlement Bruxelles II bis, est essentielle puisqu’elle permet de connaitre, dans un contexte européen, le juge qui sera compétent pour statuer sur leur divorce.
Cour de cassation, 1ère chambre civile, 30 novembre 2022, pourvoi n° 21-15.988
Le 30 novembre 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a eu à s’intéresser à la notion de résidence habituelle d’un couple de nationalité belge ayant des intérêts et des résidences à la fois en Belgique et en France. Cette question est essentielle pour pouvoir déterminer si le juge français est compétent pour connaitre de leur divorce.
En l’espèce, le couple s’est marié en 1982 en Belgique. Ils étaient propriétaires de deux biens immobiliers, un en Belgique et l’autre en France. Après avoir vécu de nombreuses années à l’étranger, le couple revenait en Europe en mai 2018 et faisait déménager divers meubles de Belgique vers la France pour s’y installer eux-mêmes début juin 2018.
L’épouse présentait une requête en divorce devant un juge aux affaires familiales français le 12 mai 2020. L’époux contestait alors la compétence de ce juge.
Par un arrêt du 13 avril 2021, la cour d’appel d’Aix-en-Provence rejetait sa demande en indiquant que le couple avait sa résidence, au moment du dépôt de la requête, en France.
Cette juridiction indiquait que le lieu de résidence d’une personne se définit comme le lieu où une personne a fixé ses centres d’intérêts et les met en œuvre dans les actes de la vie courant de sorte que ce qu’il faut essentiellement retenir c’est qu’à la date du dépôt de la demande en divorce, le couple menait depuis 18 mois une vie stable en France où il effectuaient la quasi-totalité des dépenses courantes et avaient entrepris des travaux d’entretien et de réparation de leur villa et où il avaient développé un réseau relationnel et amical et menaient une vie sociale.
L’époux formait alors un pourvoi en cassation, estimant que la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article 3 du règlement n°2201/2003 du 27 novembre 2003, dit règlement « Bruxelles II bis ». Cet article dispose que sont compétentes en matière de divorce, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel se trouve, notamment, la résidence habituelle des époux.
Le demandeur au pourvoi soutenait que la résidence habituelle doit être définie comme « le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts » et qu’ainsi, cette définition visait tous les intérêts des époux, sans nécessairement faire prévaloir leurs activités de la vie courante et de loisirs.
Or, selon lui, le couple ne pouvait avoir sa résidence habituelle en France dès lors qu’ils avaient conservés d’étroits liens avec la Belgique où ils continuaient de résider plusieurs mois de l’année. Tous les intérêts financiers (comptes bancaires) et administratifs (allocations chômage, sécurité sociale, impôts, réception du courrier) du couple demeuraient en Belgique. De même, le couple avait toujours désigné la résidence française comme leur résidence secondaire et il n’avait jamais changé ni l’immatriculation de leurs véhicules, ni leurs numéros de téléphone belge.
La Cour de cassation rejetait cependant le pourvoi.
Au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la résidence habituelle d’une personne est caractérisée par deux éléments, d’une part la volonté de l’intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminée, d’autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’Etat membre concerné. Sont pris en compte une diversité d’intérêts, qu’ils soient professionnels, socioculturels, patrimoniaux ou d’ordre privé et familial.
Or, de nombreux éléments démontraient que ces deux critères étaient en l’espèce réunis. Les époux, dès leur retour en Europe, ont déménagé leurs meubles de Belgique vers la France où ils résident depuis juin 2018, ne retournant en Belgique que pour de courts séjours. De même, alors que la résidence française était assurée en tant que résidence secondaire, elle l’était désormais sans précision particulière et le couple y avait entrepris de nombreux travaux. Enfin, le couple avait constitué en France un réseau social très étendu et y fait la quasi-totalité de ses dépenses courantes.
La Cour de cassation en conclut que la Cour d’appel a souverainement déduit de ces éléments qu’à partir de juin 2018, le couple avaient eu la volonté de fixer en France le centre habituel de ses intérêts en y menant une vie sociale suffisamment stable, de sorte que leur résidence habituelle au sens du règlement Bruxelles II bis se trouvait sur le territoire national.
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