Divorce international et ordre public international français
Un époux français obtient aux Emirats Arabes Unis, du Juge émirati, le prononcé du divorce aux torts de son épouse.
Le mari demande en France l’exéquatur du jugement de divorce international prononcé par le Juge émirati.
La cour de cassation approuve la Cour d’appel qui a considéré que la décision étrangère de divorce rendue par le Juge émirati était contraire à l’ordre public international et ne pouvait être reconnue en France.
Le juge émirati avait en effet considéré que le prononcé du divorce pour préjudice vis-à-vis du mari, justifiait le prononcé du divorce en faveur du mari et n’avait pas analysé la demande reconventionnelle en divorce de l’épouse.
« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2017), que M. N..., de nationalité française, et Mme X..., de nationalité britannique, se sont mariés le 26 février 2010, à Londres, après contrat de mariage reçu par un notaire français ; que le mari a saisi le tribunal du statut personnel de Dubaï (Emirats arabes unis), d'une demande en divorce aux torts exclusifs de son épouse ; que ce tribunal ayant accueilli sa demande, il a sollicité l'exequatur de cette décision ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que M. N... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors selon le moyen :
1°/ que l'exequatur de la décision de divorce obtenue à l'étranger doit être ordonné, dès lors que l'application des règles françaises concernant la matière aurait permis d'atteindre le même résultat ; que les références éventuelles du jugement étranger à la puissance maritale de l'époux doivent être considérées comme surabondantes, dès lors que les causes du divorce retenues par la juridiction étrangère sont conformes à l'ordre public français ; que dans le cas d'espèce, le juge émirati, à l'issue d'un examen contradictoire des justificatifs versés aux débats, avait relevé, dans les motifs expressément cités par la cour d'appel, que M. N... avait été victime d'une agression physique, que son épouse avait quitté le domicile conjugal et qu'elle avait refusé de lui accorder le moindre droit de visite à leur fils ; que le juge émirati, dans d'autres motifs non cités par la cour d'appel, avait également relevé que Mme X... avait omis d'exécuter la décision exigeant qu'elle soigne l'enfant du couple et veille sur lui, provoquant des affections dont ledit enfant a souffert ; que de tels faits, indépendamment de toute allusion au devoir d'obéissance de l'épouse, auraient parfaitement pu être retenus par un juge français, pour justifier le divorce pour faute en droit français interne ; qu'en refusant l'exequatur, la cour d'appel a violé l'article 13.1 de la convention en date du 9 septembre 1991 entre la République française et le gouvernement des Emirats arabes unis ;
2°/ que, dans son jugement en date du 12 août 2012, le juge émirati a énoncé que chacun des époux avait présenté de son côté une demande en divorce et qu'il convenait de qualifier le préjudice subi par chacune des parties ; qu'il avait constaté que l'époux justifiait des griefs allégués contre l'épouse et qu'il était victime de préjudice, tandis que l'épouse ne versait aux débats aucun élément de preuve ; que la cour d'appel ne pouvait donc affirmer, comme elle l'a fait, que le jugement émirati n'était pas motivé sur la question de la demande reconventionnelle en divorce de l'épouse ; qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a, de plus fort, violé l'article 13.1 de la convention en date du 9 septembre 1991 entre la République française et le gouvernement des Emirats arabes unis ;
Mais attendu que l'arrêt constate, d'abord, que pour répondre à la demande reconventionnelle en divorce de Mme X..., le jugement émirati se borne à énoncer que le prononcé du divorce pour préjudice en faveur du mari, demandeur principal, justifie le rejet de la demande reconventionnelle présentée par l'épouse ; qu'il relève, ensuite, que si la demande principale du mari a fait l'objet d'une motivation spécifique détaillée, tel n'a pas été le cas pour la demande reconventionnelle, la carence de Mme X... dans l'administration de la preuve, retenue par le juge émirati, ne concernant que les demandes financières de celle-ci ou sa défense aux griefs formulés contre elle ; qu'il ajoute, enfin, qu'en l'absence d'analyse en fait ou en droit de la demande reconventionnelle en divorce de l'épouse, son rejet n'apparaît résulter que de l'accueil de la demande principale ; que de ces énonciations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu déduire que cette décision étrangère, dépourvue de toute motivation de ce chef, était, en l'absence de documents de nature à servir d'équivalent à la motivation défaillante, contraire à la conception française de l'ordre public international de procédure et ne pouvait être reconnue en France ; que le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu'il critique un motif surabondant de l'arrêt, n'est pas fondé pour le surplus » .
Cass, Civ1, 26 juin 2019, pourvoi n°17-14022
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