Transcription à l'état civil français des enfants nés à l'étranger de GPA
La fin de la transcription totale des actes civil étrangers d’enfants issus de GPA
Depuis la première loi bioéthique du 29 juillet 1994, « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle » (art. 16-7 Code civil). C’est la prohibition absolue de la gestation pour autrui (GPA). Dès 1991, les juridictions y opposent le principe d’indisponibilité du corps humain. Dans sa décision du 31 mai 1991, la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière estime que « la convention par laquelle une femme s’engage, fut-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité des personnes (Cass. AP., 31 mai 2001, n°90-20.105).
En revanche, la GPA est autorisée dans d’autres Etats. Ainsi, s’ouvre la possibilité pour les couples français de recourir à la GPA dans un pays étranger qui la reconnaît et de revenir en France avec les enfants issus de cette GPA. Se posera alors le problème de la reconnaissance par l’Etat français de la filiation de ces enfants.
Dès lors, la possibilité de faire transcrire en France l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA à l’étranger s’est présentée. Même si la transcription d’un acte de naissance n’est pas un moyen d’établissement de la filiation, elle reste un moyen de la prouver. En outre, la transcription d’un tel acte de naissance en France rendrait quasiment indétectable la GPA si bien que la filiation ne serait peut-être jamais remise en question.
Pendant de nombreuses années, la Cour de cassation s’est opposée à cette transcription et ce, à plusieurs titres :
- La Haute juridiction a d’abord utilisé la notion d’ordre public pour s’opposer à la transcription de l’acte de naissance sur les registres d’état civil français d’un enfant né d’une GPA à l’étranger. Elle avait ainsi considéré dans un arrêt de 2008 que le ministère public pouvait agir pour la défense de l’ordre public à l’occasion de faits portant atteinte à celui-ci dès qu’il était possible d’établir que les naissances résultaient de GPA (Cass. civ. 1ère, 17 décembre 2008, n°07-20.468). La même argumentation avait été utilisée dans les fameux arrêts « Mennesson et Labassée » (Cass. civ. 1ère, 6 avril 2011, n°09-66.486 et N°10-19.052) dans lesquels la Cour avait affirmé qu’était « justifié le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de cette décision, lorsque cette décision heurte des principes essentiels du droit français ».
- Puis, en 2013, la Cour de cassation justifiait le refus de transcription de l’acte de naissance étranger d’un enfant né d’une GPA par la fraude à la loi. Elle estimait que le Procureur de la République était habilité à empêcher une transcription dès lors qu’il pouvait établir que la naissance résultait d’une GPA (Cass. civ. 1ère, 13 septembre 2013, n°12-20. 138).
Ces solutions posaient un réel problème en ce qu’elles aboutissaient également à annuler la reconnaissance de paternité du père alors même qu’il s’agissait du père biologique. En conséquence, l’enfant se retrouvait sans filiation, ni à l’égard du père biologique, ni à l’égard du parent d’intention.
En 2014, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne la France dans l’affaire Mennesson c. France. Selon la CEDH, la jurisprudence de la Cour de cassation est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant et au droit des enfants au respect de leur vie privée (article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales) en ce qu’elle refuse de reconnaître la filiation d’enfants nés de GPA réalisée à l’étranger. Le refus de cette reconnaissance pouvait en effet avoir des conséquences dramatiques telles que l’impossibilité d’obtenir la nationalité française ou l’impossibilité d’obtenir un livret de famille.
Cette condamnation pousse la Cour de cassation à annuler sa jurisprudence en la matière. La Cour procède à cette annulation en trois étapes :
1. La première étape consiste en la transcription à l’état civil français de l’acte de naissance « conforme à la réalité ». En d’autres termes, la Cour de cassation accepte la transcription de l’acte de naissance étranger indiquant comme parents de l’enfant le père biologique et la mère porteuse (Cass. AP., 3 juillet 2015, n°14-21.323). Il s’agit là d’une simple application de l’article 47 du Code civil selon lequel les actes de l’état civil établis conformément à la loi du pays dans lequel ils ont été délivrés font foi en France sauf s’ils sont irréguliers, falsifiés ou qu’ils ne sont pas conformes à la réalité. Le problème de l’acte de naissance indiquant les parents d’intention comme parents de l’enfant n’était donc pas résolu.
2. En 2017, la Cour de cassation apporte une précision quant à la désignation de la mère dans les actes de naissance : elle considère que la réalité, au sens de l’article 47 du Code civil, est celle de l’accouchement (Cass. civ. 1ère, 5 juillet 2017, n°16-16.901 et n°16-50.025). La Cour de cassation admet ainsi une transcription partielle de l’acte de naissance au profit du père biologique. Par conséquent, les actes de naissance qui désignent en tant que mère la femme qui n’a pas accouché ou un autre homme ne sont pas conformes à la réalité et ne peuvent donc pas être transcrits sur les registres de l’état civil français, et ce même si la femme s’avère être la mère biologique de l’enfant. En revanche, l’époux ou l’épouse du père biologique avaient la possibilité d’adopter l’enfant. Cette solution est validée par la CEDH dans un avis du 10 avril 2019 puis dans un arrêt de juillet 2020 (CEDH, 16 juillet 2020, n°11288/18, D. c/ France) qui estime que le droit au respect de la vie privée de l’enfant n’impose pas que la reconnaissance de la filiation à l’égard du parent d’intention passe nécessairement par la transcription sur les registres de l’état civil dès lors qu’elle peut se faire par une autre voie telle que l’adoption.
3. Malgré cela, la Cour de cassation fini par accepter la transcription totale de l’acte de naissance des enfants issus d’une GPA même lorsqu’il désigne les parents d’intention comme les parents. C’est à l’occasion du dernier arrêt intervenant dans l’affaire Mennesson que la Cour de cassation considère que l’obstacle à la transcription créé par la circonstance que la naissance d’un enfant à l’étranger a pour origine une GPA porte atteinte au droit au respect de la vie privée de l’enfant (Cass. AP., 4 octobre 2019, n°10-19.053). Cette jurisprudence que l’on pensait liée au contexte d’une longue procédure et de ses conséquences était désormais bien établie. En effet, la Cour de cassation a réaffirmé cette jurisprudence à plusieurs reprises. Elle l’a notamment fait dans un arrêt de 2019 dans lequel elle avait considéré, dans un objectif d’unification des situations, que l’intérêt supérieur de l’enfant imposait une évolution de la jurisprudence. Elle avait alors retenu que « ni la circonstance que l’enfant soit né à l’issue convention de gestation pour autrui, ni celle que cet acte de naissance désigne le père biologique de l’enfant et un deuxième homme comme père ne constituait un obstacle à la transcription sur les registres de l’état civil lorsque celui-ci était probant au sens de l’article 47 du Code civil ». En 2020, la Cour de cassation avait confirmé cette possibilité d’une transcription totale de l’acte de naissance d’un enfant issu d’une GPA désignant les parents d’intention comme parents (Cass. civ. 1ère, 18 novembre 2020, n°19-50.043). Dans cet arrêt, la Cour de cassation était allée encore plus loin puisqu’elle avait même supprimé les conditions qui étaient exigées pour recourir à cette transcription, à savoir la caractérisation de la particularité du couple et de l’impossibilité ou l’inopportunité d’une adoption. La transcription d’un acte de naissance étranger d’un enfant issu d’une GPA désignant comme parent les parents d’intention était donc désormais possible à la seule condition que cet acte de naissance soit conforme au droit de l’Etat qui l’a délivré.
La loi bioéthique du 2 août 2021 met un terme à cette jurisprudence qu’on pensait devenir une solution de principe. Le législateur, qui ne s’était jamais prononcé sur la question, réforme la jurisprudence en précisant que la réalité juridique visée à l’article 47 du Code civil doit être entendue en tant que la réalité juridique française. Or, la loi française prévoit que la mère est celle qui accouche et que le père est l’époux de la mère ou celui qui reconnaît l’enfant. Telle est la réalité juridique en matière de filiation au regard de la loi française. Par conséquent, est désormais interdite la transcription totale de l’acte de naissance étranger d’un enfant issu d’une GPA désignant les parents d’intention comme parents, seule la transcription à l’égard du parent biologique est autorisée. Le parent d’intention n’a donc plus d’autre choix que de recourir à l’adoption pour établir son lien de filiation, ce qui reste tout à fait conforme à la jurisprudence de la CEDH.
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