Successions : transformation d’une obligation morale en obligation civile en droit de la famille appliquée en matière de successions
En l’espèce, deux sœurs reconnaissaient que du fait que leur frère en raison d’une reconnaissance tardive, avait été omis du testament de leur père, les sœurs avaient reconnu dans un acte écrit qu’elles devaient un tiers des actifs de la succession à leur frère.
Puis elles s’étaient rétractées.
Mais la Cour d’appel a analysé leur engagement non pas comme une intention libérale de s’appauvrir, mais comme une obligation naturelle et un devoir de justice envers leur frère et qu’elles étaient tenues en vertu de cette obligation naturelle d’exécuter l’acte qu’elles avaient signé.
La Cour de cassation a approuvé l’analyse faite par la Cour d’appel de rejeter l’intention libérale, pour retenir la qualification d’obligation naturelle se transformant en obligation civile en droit de la famille.
En droit de la famille, l’obligation naturelle est reconnue, la Cour de cassation en fait en l’espèce une application en matière de successions.
« Attendu que Mmes X...font grief à l'arrêt de les condamner à remettre chacune à M. Y...-X..., en exécution de l'obligation souscrite aux termes de l'acte du 5 octobre 2002, un tiers des actifs qu'elles ont recueillis dans la succession de Jean-Paul X..., alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation naturelle suppose une action du débiteur fondée sur un devoir impérieux de conscience par lequel il s'estime tenu, et dont il souhaite se libérer ; qu'en l'espèce, M. Y...-X...n'avait pas été injustement omis du testament de son père en raison d'une reconnaissance tardive, mais volontairement écarté par celui-ci ; qu'en jugeant néanmoins que l'acte daté du 5 octobre 2002 traduisait la reconnaissance par Mmes X...d'un « devoir de justice envers leur frère, omis du testament de leur père, établi avant sa reconnaissance par celui-ci, et exclu de la succession canadienne de l'intéressé », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1235 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, devenu l'article 1302 du même code ;
2°/ que l'intention libérale repose sur une volonté de s'appauvrir au profit d'autrui, exprimée indépendamment de toute contrainte morale ; qu'en relevant que l'acte du 5 octobre 2002 traduisait, « non pas une intention libérale, mais la reconnaissance de la part de Mmes X...d'une obligation naturelle et d'un devoir de justice envers leur frère », après avoir constaté que la décision de partage correspondait à un « désir » émanant des soeurs X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, d'où il s'évinçait que l'acte du 5 octobre 2002 reposait sur une pure et simple volonté de gratification, expurgée de toute contrainte morale, donc sur une intention libérale des soeurs X...à l'égard de leur frère, en violation de l'article 893 du code civil, ensemble l'article 1134, dans sa rédaction applicable au litige, devenu l'article 1103 du même code ;
3°/ que la transformation d'une obligation naturelle en obligation civile suppose soit l'exécution volontaire de cette obligation par celui qui s'en estime tenu, soit une promesse d'exécution manifestant expressément la volonté du débiteur d'exécuter cette obligation, ce que ne suffit pas à caractériser la seule reconnaissance de l'existence d'un devoir moral ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au motif que l'acte du 5 octobre 2002 « traduit (…) la reconnaissance de la part de Mmes X...d'une obligation naturelle et d'un devoir de justice envers leur frère », la cour d'appel a violé l'article 1134, ensemble l'article 1235 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige, devenus les articles 1103 et 1302 du même code ;
Mais attendu que l'arrêt constate qu'aux termes d'un acte sous seing privé du 5 octobre 2002, Mmes X...ont exprimé la volonté que les actifs successoraux recueillis dans la succession de leur père soient répartis par tiers et en parts égales entre elles et leur frère ; qu'il relève que, par lettres du 18 octobre 2002 et des 15 et 22 mars 2009, la première adressée au notaire qui a reçu l'acte, Mme Sylvie X...a réitéré cette intention ; qu'ayant souverainement estimé que ces éléments caractérisaient l'existence d'une obligation naturelle et d'un devoir de justice des deux soeurs envers leur frère, omis du testament litigieux rédigé avant la reconnaissance de celui-ci, exclu de la succession canadienne du défunt, la cour d'appel en a exactement déduit que l'établissement et la signature de l'acte du 5 octobre 2002 avaient transformé cette obligation naturelle en obligation civile ; que le moyen ne peut être accueilli ».
(Cass, Civ1, 11 octobre 2017, pourvoi n° 16-24533, publié au bulletin).
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