Mères porteuses : la France condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme
La Cour européenne des droits de l'homme, saisie par deux couples, qui depuis des années avaient essayé en vain de faire transcrire à l’Etat civil français, la filiation d’enfants nés d’une mère porteuse à l’étranger, a condamné la France le 26 juin 2014 (aff : Mennesson / France, n° 65192/11).
Ces deux couples s'étaient heurtés, le 6 avril 2011, à un refus de la Cour de cassation qui avait estimé « justifié le refus de transcription d'un acte de naissance établi en exécution d'une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l'ordre public international français de cette décision, lorsque celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ; qu'en l'état du droit positif, il est contraire au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d'autrui, qui, fût-elle licite à l'étranger, est nulle d'une nullité d'ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil »
La cour de cassation avait estimé : « qu'une telle annulation, qui ne prive pas les enfants de la filiation maternelle et paternelle que le droit californien leur reconnaît ni ne les empêche de vivre avec les époux X... en France ».
La Cour européenne des droits de l’homme sanctionne la France pour violation à la vie privée, estimant que le refus français porte atteinte à « l'identité d'être humain » des enfants, qui inclut la filiation et leur nationalité.
« Il est concevable que la France puisse souhaiter décourager ses ressortissants de recourir à l’étranger à une méthode de procréation qu’elle prohibe sur son territoire. Il résulte toutefois que les effets de la non reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les enfants ainsi conçus et les parents d’intention ne se limitent pas à la situation de ces derniers, qui seuls ont fait le choix des modalités de procréation que leur reprochent les autorités françaises : ils portent aussi sur celle des enfants eux-mêmes, dont le droit au respect de la vie privée, qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation, se trouve significativement affecté. Se pose donc une question grave de compatibilité de cette situation avec l’intérêt supérieur des enfants, dont le respect doit guider toute décision les concernant.
Cette analyse prend un relief particulier lorsque, comme en l’espèce, l’un des parents d’intention est également géniteur de l’enfant. Au regard de l’importance de la filiation biologique en tant qu’élément de l’identité de chacun, on ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt d’un enfant de le priver d’un lien juridique de cette nature alors que la réalité biologique de ce lien est établie et que l’enfant et le parent concerné revendiquent sa pleine reconnaissance. Or, non seulement le lien entre les troisième et quatrième requérantes et leur père biologique n’a pas été admis à l’occasion de la demande de transcription des actes de naissance, mais encore sa consécration par la voie d’une reconnaissance de paternité ou de l’adoption ou par l’effet de la possession d’état se heurterait à la jurisprudence prohibitive établie également sur ces points par la Cour de cassation (paragraphe 34 ci-dessus). La Cour estime, compte tenu des conséquences de cette grave restriction sur l’identité et le droit au respect de la vie privée des troisième et quatrième requérantes, qu’en faisant ainsi obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement en droit interne de leur lien de filiation à l’égard de leur père biologique, l’État défendeur est allé au-delà de ce que lui permettait sa marge d’appréciation ».
La France peut saisir la devant la Grande Chambre, qui peut accepter de réexaminer l’affaire.
Néanmoins, la décision de la Cour européenne qui impose désormais à la France de transcrire à l’Etat civil, la filiation d’enfants nés à l’étranger de mère porteuse, (contrat prohibé sur son territoire), ne remet nullement en cause cette interdiction de la France de gestation pour autrui.
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