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Enfant né de mère porteuse et adoption par le parent d'intention

Le 30 août 2021
Enfant né de mère porteuse et adoption par le parent d'intention
La Cour de cassation admet que l'adoption plénière d'un enfant né par mère porteuse (gestation pour autrui) est possible par le parent d'intention, conjoint du parent biologique, si certaines conditions sont remplies

Depuis l’année 2017 la Cour de cassation (Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 16-16.455) considère que le recours à la gestation pour autrui à l'étranger « ne fait pas, en lui-même, obstacle au prononcé de l'adoption, par l'époux du père, de l'enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l'adoption sont réunies et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant ».

Toutefois, cet arrêt de la Cour de cassation semblait, sentiment confirmé par plusieurs arrêts de la cour d’appel de Paris ultérieurs (Paris, 13 févr. 2018, n° 17/17765, Paris, 30 janv. 2018, n° 15/20876), exiger que les juges du fond vérifient l'existence d'un consentement à l'adoption par la mère porteuse alors même que sa filiation n’était pas établie à l’égard du nouveau-né.

C’est cette vision qu’avait adoptée l’arrêt de la cour d’appel de Douai du 14 novembre 2019 faisant l’objet du pourvoi en cassation (n°20-10.722). En effet, la cour d’appel de Douai avait retenu que « l’absence de production de la convention de gestation pour autrui ne permet pas d’appréhender les modalités selon lesquelles la femme ayant accouché de [S] aurait renoncé de manière définitive à l’établissement de la filiation maternelle et qu’il en est de même du consentement de cette femme à l’adoption de l’enfant, par le mari du père » et qu’ainsi l’adoption plénière sollicitée devait être rejetée au nom de l’intérêt de l’enfant.

En l’espèce, une fille est née en 2012 d’une gestation pour autrui (GPA) pratiquée en Inde par un homme de nationalité française. Cet homme a reconnu cet enfant dès sa naissance. L’acte de naissance transcrit auprès des autorités consulaires françaises en Inde ne mentionne que son nom et pas celui de la mère porteuse. Par la suite, l’époux de cet homme a formé, par requête du 29 août 2017, une demande d’adoption plénière de l’enfant de son conjoint, son conjoint ayant consenti à l’adoption de sa fille un mois plus tôt. Ces époux se tenaient sans doute bien informés de l’évolution de la jurisprudence française sur la possibilité d’adopter e de manière plénière l’enfant de son conjoint né d’une GPA puisque cette requête a été déposée seulement un mois après l’arrêt de la Cour de cassation admettant une telle adoption.

La cour d’appel de Douai se tenait également bien informée puisque par son arrêt du 14 novembre 2019 elle s’est s’alignée sur la jurisprudence de la Cour de cassation, même si elle enserre cette adoption dans des conditions restrictives non établies explicitement par la Cour de cassation dans son arrêt du 5 juillet 2017, mais également non prévues par la loi.

La cour d’appel de Douai, pour exiger, d’une part, que la mère porteuse ait renoncé de manière définitive à l’établissement de la filiation maternelle à l’égard de la fille dont elle a accouché, d’autre part, qu’elle ait consenti à ce que le mari du père de cet enfant puisse l’adopter, s’appuie sur « l’intérêt de l’enfant », que la Cour de cassation posait effectivement comme une condition de l’adoption après une GPA. En effet, on peut estimer qu’est, en tant que telle, contraire à l’intérêt de l’enfant une adoption non consentie par la mère biologique de l’enfant, même simple « gestatrice », mais également que des contestations sur sa filiation pendant son enfance ne seraient pas de nature à lui offrir la stabilité dont il a besoin.

 

La jurisprudence a tout de même évolué sur ce point un peu moins d’un an plus tard. Le 4 novembre 2020 la Cour de cassation rendait deux arrêts (Civ. 1re, 4 nov. 2020, n° 19-15.739 et n° 19-50.042) dans lesquels elle admettait à nouveau la possibilité, pour l’époux d’un parent d’un enfant né de GPA, d’adopter plénièrement cet enfant, mais ajoutait également « que le droit français n'interdit pas le prononcé de l'adoption par l'époux du père de l'enfant né à l'étranger de cette procréation lorsque le droit étranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l'acte de naissance de l'enfant, qui ne fait mention que d'un parent, a été dressé conformément à la législation étrangère, en l'absence de tout élément de fraude ». La Cour de cassation censure dans le premier des deux arrêts mentionné,s la cour d’appel qui exigeait, pour accepter la demande d’adoption plénière du mari du père d’un enfant né de GPA, les deux mêmes conditions que celles posées par l’arrêt de la cour d’appel de Douai précédemment évoqué.  

 

L’arrêt du 7 juillet 2021 de la Cour de cassation ne fait que reprendre la position établie par les arrêts du 4 novembre 2020 et se focalise ainsi sur les conditions d’application de l’article 47 du code civil et sur les règles de l’adoption plénière.

 

Ainsi, il ressort de cet arrêt que plusieurs conditions sont requises pour la validité en France de l’adoption plénière de l’enfant du conjoint issu de GPA : la GPA doit être autorisée par le pays où celle-ci a été réalisée, la transcription de l’acte de naissance du nouveau-né issu de la GPA doit être conforme aux règles de droit du pays où elle a été réalisée et enfin l’adoption plénière de l’enfant issu de GPA doit être réalisée en l’absence de fraude aux droits de la mère porteuse (en plus des conditions propres à l’adoption plénière).

La deuxième condition exposée renvoie plutôt aux conditions de transcription de l’acte de l’état civil fait à l’étranger par les autorités françaises, ce qui touche plus à la question de l’établissement de la filiation à l’égard du parent biologique (I).

Il faut également préciser d’une part que la première condition ne pose pas de difficulté particulière mais est un prérequis évident mais nécessaire, d’autre part qu’en fin d’arrêt est reprise une condition classique de l’adoption plénière (exigence de l’absence de filiation établi avec la gestatrice).  

Enfin, on examinera ce que la Cour de cassation pourrait entendre par « fraude quant aux droits de [la mère porteuse] » et sur ses liens avec la question de l’intérêt de l’enfant (II).

 

I- Transcription de l’acte de l’état civil fait à l’étranger par les autorités françaises

L’article 47 du Code civil dispose que « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ». Cet article est important car il constitue une des dispositions légales par laquelle l’officier d’état civil français est tenue pour réaliser la transcription d’un acte de l’état civil établi à l’étranger, et notamment l’acte de naissance. Pour  la GPA, les faits établis par l’acte doivent correspondre à la réalité – était celle qui posait difficulté. Ainsi, jusqu’à un arrêt de la Cour de cassation d’octobre 2019, la transcription des actes de naissance était limitée aux indications conformes à la réalité biologique, c’est-à-dire qu’elle était limitée aux actes de naissance mentionnant soit le seul père biologique, soit le père biologique et la mère porteuse, mère biologique. C’est un arrêt – rendu lors de la célèbre affaire dite « Mennesson » par l’Assemblée plénière du 4 octobre 2019 (n°10-19.053) qui a accepté pour la première fois la transcription d’un acte de naissance étranger mentionne comme mère « légale » la mère d’intention. Toutefois, la Cour de cassation a précisé dans cet arrêt qu’une telle transcription ne pouvait être automatique, que les autres moyens d’établissement de la filiation existant en droit français sont tout autant de nature à garantir l’intérêt supérieur de l’enfant et qu’une telle transcription ne doit être accordée qu’au vu des circonstances, ici la circonstance la favorisant principalement étant la longueur de la procédure (elle durait depuis plus de 15 ans). Toutefois encore, la Cour de cassation a par la suite, dans d’autres affaires, accepté la transcription d’actes de naissance faits à l’étranger mentionnant la mère d’intention dans un cas (Civ. 1re, 18 déc. 2019, no 18-14.751) et le père d’intention dans un autre (Civ. 1re, 18 déc. 2019, n° 18-11.815). On ne peut que se réjouir de telles décisions en ce qu’elles empêchent les enfants de pâtir de leur mode de conception, même si on comprend bien que dorénavant l’interdiction d’ordre public de conclure une convention de GPA n’est plus qu’une interdiction de principe et ne vaut in fine que pour le territoire français. 

Ainsi, la transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger est la base sur laquelle s’appuie sur l’adoption en matière de GPA. Il est nécessaire que cette transcription respecte bien le droit positif pour ne pas compromettre l’adoption.

Si cette transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger est solide et ne mentionne pas le nom de la mère porteuse, mère biologique, l’adoption plénière par l’époux du père biologique mentionnée dans l’acte de naissance de l’enfant issu de GPA est simple et doit respecter les quelques conditions établies par le Code civil en matière d’adoption plénière.

En effet, la Cour de cassation refuse les conditions supplémentaires pour l’adoption plénière d’un enfant issu de GPA posées par la cour d’appel qui imposait qu’il soit vérifié que la mère porteuse ait renoncé de manière définitive à l’établissement de sa filiation maternelle et qu’elle ait consenti à l’adoption de l’enfant dont elle a accouché. La Cour de cassation retient, conformément à la législation française en matière d’adoption, que dès l’instant où la mère porteuse n’a pas établi de lien de filiation avec l’enfant dont elle a accouché, les motifs retenus par la cour d’appel ne peuvent justifier un refus de l’adoption plénière de cet enfant par le conjoint du père biologique.

 

Toutefois, la Cour de cassation mentionne la nécessité qu’une telle adoption intervienne « en l’absence (...) de tout élément de fraude quant aux droits de [la mère porteuse] ». Si cette condition semble être de bon sens, on peut se demander à quoi celle-ci renvoie et si elle n’est pas un moyen d’intégrer la condition de bon sens posée par la cour d’appel de renoncement définitif à la filiation de la gestatrice à l’égard de l’enfant issu de la GPA.

 

 

II- Absence de fraude aux droits de la mère porteuse et intérêt de l’enfant

 

Il est entendu que dans tous les États du monde une mère a la possibilité de reconnaître l’enfant dont elle a accouché afin qu’elle soit légalement sa mère. Dans le cadre de la conclusion d’une convention de GPA, la plupart du temps la mère porteuse déclare renoncer de manière définitive à sa filiation à l’égard de l’enfant dont elle va accoucher et ainsi celle-ci est bien au fait qu’elle n’a et n’aura aucun droit parental vis-à-vis de l’enfant dont elle accouche.

Ainsi, lorsqu’intervient par la suite l’adoption plénière du nouveau-né par le conjoint du père d’intention ayant déjà reconnu l’enfant, le problème du lien de filiation avec la mère biologique est en principe déjà réglé, la mère porteuse sait qu’elle a renoncé à ses droits parentaux vis-à-vis du nouveau-né et donc une telle adoption n’intervient pas en fraude de ses droits.

 

Ce que voulait sans doute viser la Cour de cassation en évoquant une possible « fraude quant aux droits de [la mère porteuse] » dans le cadre d’une adoption plénière d’un enfant issu de GPA ce sont les cas où la convention de GPA conclue ne précise rien quant à la question de la filiation de la mère porteuse à l’égard de l’enfant dont elle a accouché. Dans une telle hypothèse, il est vrai que pourrait naître des situations de fraude aux droits de la mère porteuse qui ne veut/sait pas qu’elle doit renoncer à sa filiation à l’égard de l’enfant dont elle a accouché pour permettre une adoption plénière par l’autre parent d’intention, situations évidemment contraires à l’intérêt de l’enfant. C’est d’ailleurs notamment sur ce point que s’appuyait la cour d’appel de Douai pour refuser l’adoption plénière du conjoint du père biologique. En effet, selon l’arrêt d’appel avait retenu que « l'absence de production de la convention de gestation pour autrui ne permet pas d'appréhender les modalités selon lesquelles la femme ayant accouché de [D] aurait renoncé de manière définitive à l'établissement de la filiation maternelle ». La réponse de la Cour de cassation à cette motivation va dans le sens d’une reconnaissance du conditionnement d’une telle adoption plénière à l’absence de fraude aux droits de la mère porteuse mais balaye la motivation du refus de la cour d’appel en indiquant qu’en l’espèce aucun élément ne va dans le sens d’une fraude aux droits de la mère porteuse, n’étant ainsi pas en accord avec la vision de la cour d’appel pour qui l’absence de communication de la convention de GPA serait une preuve de cette fraude.

 

En revanche, on ne sait très bien si par cette expression, la Cour de cassation inclut l’hypothèse où la mère porteuse n’est pas informée de l’adoption plénière, et de ce qu’elle implique, par le conjoint du père biologique, père d’intention. En effet, il semblait que la Cour de cassation ait écarté cette hypothèse des cas justifiant le refus de l’adoption plénière du conjoint du père biologique par des arrêts du 4 novembre 2020. Elle ne précise pas ce point ici. Peut-être cette absence d’information à l’égard de la gestatrice est inclue dans l’expression « fraude aux droits » de la mère porteuse à l’instar de l’absence d’information de la mère porteuse sur sa renonciation définitive à la filiation ; affaire à suivre...

 

On peut toutefois conclure de ces éléments que la Cour de cassation semble protéger les droits de la mère porteuse en conditionnant l’adoption plénière de l’enfant né de GPA par le conjoint du père biologique à l’absence de fraude aux droits de la mère, la fraude pouvant notamment et avant tout consister en ce que la mère porteuse ne sache pas qu’elle renonce à sa filiation à l’égard de l’enfant dont elle accouche. Toutefois, dans ce cadre, n’est explicitement pas suffisante comme preuve de la fraude l’absence de production de la convention de GPA selon l’arrêt à l’étude.

 

Il ne faut enfin pas oublier que les juges doivent, selon la Haute Juridiction, toujours avoir en tête, en arrière-plan de leur réflexion, l’intérêt de l’enfant qui domine la matière. C’est d’ailleurs sur le fondement de l’intérêt de l’enfant que se fondait in fine la cour d’appel pour refuser l’adoption plénière après l’absence de communication de la convention de GPA : « pour rejeter la demande d'adoption plénière, l'arrêt [d’appel] retient que l'absence de production de la convention de gestation pour autrui ne permet pas d’appréhender les modalités selon lesquelles la femme ayant accouché de [D] aurait renoncé de manière définitive à l'établissement de la filiation maternelle et qu'il en est de même du consentement de cette femme à l'adoption de l'enfant, par le mari du père. Il ajoute que, dans ces conditions, il ne peut être conclu que l'adoption sollicitée (...) soit conforme à l'intérêt de l'enfant ». En l’espèce, la Cour de cassation a considéré que l’intérêt de l’enfant ne justifiait pas que l’adoption plénière souhaitée soit refusée en l’absence d’élément allant dans ce sens. Mais l’arrêt réserve implicitement aux magistrats de la Cour de cassation la possibilité de confirmer un arrêt refusant une adoption sur le fondement de l’intérêt de l’enfant.

De plus, il est important de noter que l’absence de fraude aux droits de la mère est également considérée par la Cour de cassation comme un moyen d’assurer l’intérêt de l’enfant.

 

 

(Cass, Civ1, 7 juillet 2021, pourvoi n° 20-10.722)

 

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