Mariage et divorce : le second mariage est nul si le premier mariage est valide
Des époux contractent un mariage, des années plus tard, ils divorcent. L’un d’eux, apprenant que l’autre avait contracté un précédent mariage à Las Vegas , il y avait plus de 30 ans, demande la nullité du second mariage contracté, plutôt que le divorce.
La Cour d’appel rejette la demande en nullité de mariage du second mariage, au motif que lors du premier mariage, qui n’avait pas été transcrit à l’Etat civil français, leur consentement faisait défaut notamment à la suite de ce premier mariage, les époux n’avaient pas considéré leurs enfants comme légitimes, puisqu’ils les avaient reconnus.
Le premier mariage contracté à Las Vegas, où le consentement à mariage faisait défaut ne pouvait être déclaré opposable et entraîner l’annulation du second mariage. Le divorce pouvait être prononcé.
Une telle décision peut paraître assez surprenante, dans la mesure où elle semble remettre en cause la sécurité des transactions. Un mariage est valide, peu importe la transcription de ce mariage. Or, un mariage est valide si les époux avaient l’intention de contracter l’union. Précisément en l’espèce, La Cour de cassation, à la suite de la Cour d’appel a considéré qu’au moment de l’union contractée à Las Végas, les époux n’avaient pas cette intention matrimoniale.
Le premier mariage étant nul, le second mariage contracté est valide et c’est donc par la voie du divorce qu’il peut y être mis fin.
« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 décembre 2017), que M. P... et Mme J..., de nationalité française, se sont mariés le 21 juin 1995 à Paris ; qu'en octobre 2009 et janvier 2010, les époux ont tous deux déposé une requête en divorce ; que, soutenant avoir découvert l'existence d'un précédent mariage de Mme J..., célébré avec M. L... à Las Vegas le 8 avril 1981, M. P... l'a assignée en nullité de leur mariage le 3 avril 2012 ; que M. L... a été appelé en intervention forcée ;
Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation de son mariage avec Mme J... et sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que la recevabilité d'une action en nullité du mariage pour absence de consentement se prescrit par trente ans à compter du jour de la célébration du mariage ; qu'en matière d'état des personnes, les fins de non-recevoir ont un caractère d'ordre public ; qu'après avoir constaté que, « par acte d'huissier, délivré le 3 avril 2012, M. P... a fait assigner Mme J... devant le tribunal de grande instance de Paris afin de voir annuler leur mariage célébré le 21 juin 1995 à la mairie de Paris 2ème arrondissement compte tenu de l'existence d'un premier mariage contracté par Mme J... avec M. L..., le 8 avril 1981 à Las Vegas (Etats-Unis) », la cour d'appel, qui a prononcé la nullité du mariage célébré le 8 avril 1981, soit plus de trente après sa célébration, sans relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité, a violé les articles 146 et 184 du code civil, ensemble les articles 122 et 125, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
2°/ que le mariage est nul lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un but étranger à l'union matrimoniale, lequel doit être exclusif de toute intention conjugale ; qu'en se bornant à énoncer que les époux ne se sont prêtés à la cérémonie du mariage « qu'en vue manifestement d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale », sans préciser quel but étranger au mariage avait pu être recherché par les époux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale des articles 146 et 184 du code civil ;
3°/ qu'en se bornant à énoncer que « les circonstances tant préalables que postérieures à l'événement célébré à Las Vegas, démontrent que leur consentement à mariage faisait défaut », sans rechercher quelle était l'intention des époux au moment de la célébration du mariage, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles 146 et 184 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article 2247 du code civil, les juges ne peuvent suppléer d'office le moyen résultant de la prescription ; que cette règle s'applique même lorsque la prescription est d'ordre public ; qu'il en résulte que les juges du fond ne pouvaient relever d'office la prescription trentenaire de l'action en nullité du mariage célébré le 8 avril 1981, prévue à l'article 184 du code civil ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a relevé que Mme J... avait présenté la cérémonie à Las Vegas à ses amis comme un rite sans conséquences, que le voyage n'avait pas eu pour but ce mariage puisque les bans n'avaient pas été publiés, que Mme J... et M. L... n'avaient entrepris aucune démarche en vue de sa transcription à leur retour en France, qu'ils n'avaient pas conféré à leur enfant le statut d'enfant « légitime » puisqu'ils l'avaient reconnu, sans aucune allusion à leur mariage dans l'acte de naissance, et qu'ils avaient tous deux contracté des unions en France après ce mariage ; qu'elle en a souverainement déduit que le consentement à mariage faisait défaut, de sorte que, l'union célébrée le 8 avril 1981 étant inopposable, la demande d'annulation du mariage du 21 juin 1995 devait être rejetée ».
(Cass, Civ1,19 septembre 2019, pourvoi n° 18-19665, Publié au bulletin)
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