Mariage : infidélité et diffamation
La Cour de cassation a jugé que du fait de l’évolution des mœurs, l’énonciation dans un journal de l’infidélité d’une personne, n’est plus de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de celle-ci. Ainsi, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel qui avait rejeté l’accusation de diffamation.
« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 septembre 2014), qu'à l'occasion de la parution, en octobre 2012, de l'ouvrage intitulé « La Frondeuse » consacré à Mme X..., le magazine Point de Vue a publié un entretien accordé par les auteurs de cet ouvrage, Mme Y...et M. Z...; qu'à la question : « On connaît la rivalité entre Ségolène A...et Valérie X..., mais vous révélez une autre rivalité plus ancienne et plus amicale... », ce dernier a répondu : « Il y aurait eu effectivement une relation intime entre Patrick B...et Valérie X...qui aurait duré plusieurs années. A l'époque, ils sont tous les deux engagés. Ils ont hésité à faire le grand saut, à changer de vie. Patrick B...a tergiversé si bien que Valérie X...s'est laissée courtiser par un deuxième homme d'un autre bord politique : François D.... Peu à peu la relation avec D... a pris le pas sur l'autre. Notamment après un ultimatum en 2003 auquel B...n'a pas cédé. Mais il a beaucoup souffert de cette rupture. C'était un peu une histoire à la Jules et Jim. Les deux hommes en ont gardé un grand respect l'un pour l'autre. » ; que M. B..., estimant que de tels propos étaient diffamatoires à son égard, a assigné M. Z..., M. de C..., directeur de la publication du magazine Point de Vue, et la société Groupe Express-Roularta, éditeur dudit magazine, aux fins d'obtenir la réparation de son préjudice et la publication d'un communiqué judiciaire ;
Attendu que M. B...fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l'allégation publique d'une liaison prêtée à un homme marié peut porter atteinte à l'honneur et à la considération de celui-ci ; qu'il importe peu à cet égard que l'adultère ne soit plus une infraction pénale ; qu'en restreignant, par cette considération générale et inappropriée, les diffamations reprochables aux seules allégations prêtant à la personne diffamée un comportement pénalement répréhensible, la cour d'appel a violé l'article 29 la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en subordonnant l'atteinte à l'honneur et à la considération à l'allégation publique d'un fait unanimement réprouvé par une morale objective ayant le même champ d'application que la réprobation pénale, sans autrement rechercher si l'allégation litigieuse ne portait pas sur des manquements contraires à l'honneur et à la considération au regard d'obligations morales d'ordre strictement civil, la cour d'appel a derechef privé son arrêt de toute base légale au regard de l'article 29 de la loi de 1881, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que l'allégation diffamatoire peut être réalisée par voie d'insinuation ; qu'en se bornant à énoncer que « la relation intime imputée au requérant était sobrement présentée sans évoquer expressément le mensonge ni la double vie et sans que soit suggéré un jugement de valeur », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations établissant une diffamation par insinuation, violant ainsi de plus fort l'article 29 de la loi de 1881, ensemble l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu qu'ayant exactement énoncé, d'une part, que l'atteinte à l'honneur ou à la considération ne pouvait résulter que de la réprobation unanime qui s'attache, soit aux agissements constitutifs d'infractions pénales, soit aux comportements considérés comme contraires aux valeurs morales et sociales communément admises au jour où le juge statue, d'autre part, que ces notions devaient s'apprécier au regard de considérations objectives et non en fonction de la sensibilité personnelle et subjective de la personne visée, la cour d'appel, loin de se borner à relever que l'adultère était dépénalisé depuis quarante ans, a retenu à bon droit que l'évolution des moeurs comme celle des conceptions morales ne permettaient plus de considérer que l'imputation d'une infidélité conjugale serait à elle seule de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération ».
(Cass, Civ1, 17 décembre 2015, pourvoi: 14-29549, Publié au bulletin)
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