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La reconnaissance frauduleuse anticipée de la paternité d'un enfant

Le 02 décembre 2022
La reconnaissance frauduleuse anticipée de la paternité d'un enfant
La Cour de cassation sanctionne la fraude consistant en la reconnaissance anticipée paternelle frauduleuse d'un enfant, dans le seul but de lui conférer la nationalité française et par conséquent un état civil contraire à la vérité

Cass. Civ. 1e, 13 juillet 2022, pourvoi n°21-13.190

 

               La démonstration du caractère frauduleux d’une reconnaissance de paternité nécessite le rassemblement d’indices probants, soumis à l’appréciation souveraine des juges.

               Par un arrêt rendu le 13 juillet 2022, la 1e Chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la caractérisation d’une reconnaissance paternelle frauduleuse.

               En l’espèce, un homme a reconnu un enfant né le 6 septembre 2012, un mois avant sa naissance. Le Procureur de la République a alors assigné ce dernier ainsi que sa mère en annulation de la reconnaissance paternelle pour fraude.

               La Cour d’appel d’Orléans a accueilli sa demande et condamné la mère de l’enfant, in solidum avec le père prétendu, au versement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts. Celle-ci a donc formé un pourvoi en cassation, reprochant à la Cour d’appel, d’une part d’avoir privé sa décision de base légale au regarde de l’article 336 du Code civil en ne relevant que des indices inopérants destinés à prouver le caractère frauduleux de la reconnaissance paternelle et d’autre part d’avoir violé le texte susvisé en ne caractérisant pas le préjudice subi par l’enfant, qui justifierait sa condamnation au versement de dommages-intérêts.

               L’utilisation d’un faisceau d’indices fondé notamment sur des expertises biologiques, la reconnaissance anticipée de la paternité et le fait que le père prétendu soit le seul à avoir la nationalité française démontre-t-elle le caractère frauduleux d’une reconnaissance paternelle ?

               La Cour de cassation répond par la positive et rejette le pourvoi de la demanderesse. Elle affirme que les éléments relevés par la Cour d’appel ne sont pas inopérants et que le comportement fautif de la mère de l’enfant justifiait le versement de dommages-intérêts.

 

I-                 Une caractérisation en premier lieu de la nature suspecte de la reconnaissance paternelle

L’article 336 du Code civil dispose que « La filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi. ». C’est au titre de cet article que le Procureur de la République a saisi le juge en annulation de la reconnaissance paternelle qu’il estimait frauduleuse en l’espèce. Dès lors, les juges du fond ont étudié différents indices qui leur ont ensuite permis d’établir le caractère frauduleux de cette reconnaissance, décision qui a ensuite été confirmée par la Cour de cassation dans cet arrêt.

Elle a tout d’abord relevé de nombreuses informations contradictoires données par l’homme ayant reconnu l’enfant et la mère de celui-ci, notamment concernant leur rencontre et sur leurs relations depuis le début de la grossesse. De plus, l’une des conditions de la reconnaissance paternelle est la présence d’une possession d’état, qui est caractérisée par un ensemble de faits qui prouvent que l'enfant et son père supposé entretiennent ou ont entretenu des liens. Etant donné qu’il a été démontré que l’homme ne connaît pas la date de naissance de son enfant, ni ne le mentionne lorsqu’on l’interroge sur la composition de sa famille, la Cour de cassation en a déduit une absence de possession d’état. Elle adopte donc ici le même raisonnement que dans son arrêt rendu le 9 février 2022, où elle avait affirmé que la non-implication de l’homme dans la vie de l’enfant et le fait qu’il ne soit pas considéré comme le père par les tiers suffisaient à établir une absence de possession d’état (Cass. Civ. 1e, 9 février 2022, n° 20-12.206).

Enfin, la reconnaissance anticipée de la paternité d’un enfant a souvent fait partie des indices démontrant son caractère frauduleux. La Cour de cassation a ici également relevé que la reconnaissance litigieuse avait été faite un mois avant la naissance de l’enfant, ce qui appelait à davantage d’attention dans la décision rendue.

 

II-               La condamnation justifiée de la mère de l’enfant en raison de son comportement fautif, rendant la reconnaissance frauduleuse

Outre le caractère uniquement suspicieux de la reconnaissance paternelle, la Cour de cassation a condamné son caractère fautif. En effet, alors que le père prétendu a la nationalité française, la mère de l’enfant est guinéenne. Ainsi, la reconnaissance du lien de filiation avec cet homme pourrait n’être motivée que par l’acquisition pour l’enfant de la nationalité française. De nombreux arrêts ont été rendus notamment par les juridictions administratives en matière de droit des étrangers et de délivrance de titres de séjour. Aucune liste de critères précis n’existant, le caractère frauduleux d’une reconnaissance de paternité semble donc toujours établi à travers un faisceau d’indices, qui sera apprécié souverainement par les juges du fond. En l’espèce, la Cour d’appel d’Orléans a considéré que la reconnaissance était frauduleuse.

De plus, elle a dénoncé le comportement fautif de la mère, en ce qu’elle a participé à conférer à son enfant un état civil contraire à la vérité, lui causant alors un préjudice pour la suite. Cela justifie donc le versement de la somme exigée par la Cour en réparation de ce préjudice, au titre de l’article 1240 du Code civil, selon lequel « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. ».

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