filiation: loi marocaine écartée car contraire à l'ordre public international
à Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 décembre 2020, 19-20.948
En cas d’absence de filiation paternelle d’un enfant né en France d’une mère de nationalité marocaine non mariée, l’ordre public international écarte l’application de la loi marocaine en faveur de la loi française et permet l’action en recherche de paternité et la réalisation d’une expertise biologique.
En l’espèce, l’enfant de Mme N, de nationalité marocaine est née en 2014 à Paris sans filiation paternelle établie.
Le 28 avril 2015, celle-ci en qualité de représentante légale de sa fille assigne M. X devant le tribunal de grande instance de Meaux en recherche de paternité. Le tribunal de grande instance de Meaux le 10 mars 2017 fait application de la loi française et déclare recevable l’action en recherche de paternité et ordonne une expertise biologique.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 18 décembre 2018, a déclaré l’action en recherche de paternité recevable et a ordonné une expertise biologique.
La Cour d’appel a d’abord justement rappelé que la loi marocaine compétente faisait obstacle à l’établissement de cette filiation hors mariage.
En effet l’article 152 du Dhir N°1-04-22 du 3 février 2004 portant code de la famille marocain prévoit des hypothèses de filiation légitime ne comportant pas l’hypothèse du concubinage.
La Cour d’appel a donc considéré que la loi marocaine, loi personnelle de la mère, est contraire à la conception de l’ordre public international et qu’il était contraire à l’intérêt de l’enfant de faire application de cette loi.
A ce titre la Cour d’appel soulignait que le droit marocain ne reconnaît la filiation que dans le cadre du mariage, sauf aveu du père et rapports sexuels par erreur. Ainsi elle conclut que le droit marocain n’admet pas librement le concubinage et la filiation qui pourrait en découler.
M. X s’est alors pourvu en cassation.
La Cour de cassation dans son arrêt du 16 décembre 2020, rejette le pourvoi et confirme que la loi marocaine concernant la filiation paternelle est contraire à la conception française de l’ordre public international et qu’il convenait d’appliquer la loi française.
La Cour de cassation après avoir rappelé qu’il résultait des articles 3 et 311-14 du code civil que, si la filiation est en principe régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant, la loi étrangère qui ne permet pas l'établissement d'une filiation hors mariage doit être écartée comme contraire à l'ordre public international lorsqu'elle a pour effet de priver un enfant mineur du droit d'établir sa filiation.
La Cour de cassation confirme l’appréciation, exempte de dénaturation, de la Cour d’appel ayant relevé, par une appréciation souveraine de la loi étrangère, que la loi marocaine, loi nationale de la mère, ne reconnaissait, s'agissant de la filiation paternelle, que la filiation légitime, ce qui rendait l'action de Mme N... en recherche de paternité hors mariage irrecevable. La cour d'appel en a exactement déduit que cette loi devait être écartée comme contraire à la conception française de l'ordre public international et qu'il convenait d'appliquer la loi française.
L’intérêt de l’enfant est ici l’élément permettant d’écarter la loi marocaine qui ne reconnaît pas librement le concubinage et la filiation qui pourrait en découler. En effet, l’enfant doit pouvoir établir sa paternité à l’égard d’un homme même s’il n’est pas marié à sa mère. Cela heurte la conception française de l’égalité des filiations naturelles et légitimes ainsi que le droit à connaître ses origines. L’intérêt de l’enfant et le principe d’égalité écartent la loi personnelle de la mère, qui devrait être applicable, afin de garantir une filiation à l’enfant qui ne doit pas subir les conséquences d’une naissance hors mariage. Le droit à la filiation paternelle est ici mis en avant par les différentes décisions et arrêts.
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