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Filiation : Délai pour agir en contestation de paternité

Le 09 octobre 2016
Le délai pour contester la filiation poursuit un but légitime d'éviter les conflis de filiations

En l’espèce, un enfant majeur dont la filiation paternelle était établie, a voulu contester son lien de filiation par une action en contestation de paternité pour faire établir la paternité d’un autra homme qui serait son père biologique. La Cour de cassation l’a déboutée du fait qu’étant devenue majeure, elle bénéficiait de l’ancien délai trentenaire pour agir et que passé ce délai, elle ne pouvait plus remettre en cause l’acte de légitimation établissant sa filiation.

La Cour d’appel a rappelé que le délai de l’article 320 du Code civil qui constitue une ingérence dans la vie privée n’est pas disproportionné dans la mesure où il tend à établir la stabilité des liens de filiation et éviter les conflits de filiation et par conséquent qu’il n’y avait pas eu méconnaissance de l’article 8de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

 

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rouen, 13 mai 2015), que Mme X ... épouse Y... est née le 9 février 1946 de Mme B ... et a été reconnue le 30 juin 1965 par Roger X ..., qui l’a légitimée par son mariage avec sa mère le même jour ; que ce dernier est décédé le 12 juillet 2001 ; que, le 25 novembre 2005, Mme Y... a été reconnue par Robert Z ..., lequel est décédé le 13 mai 2006 ; qu’un jugement irrévocable du 20 novembre 2007 a déclaré irrecevable comme prescrite la contestation de la reconnaissance de Roger X ... formée par Mme Y... et sa mère et a annulé la reconnaissance de paternité effectuée par Robert Z ... ; que, par acte du 29 juillet 2011, Mme Y... a assigné les enfants de Robert Z ... (les consorts Z ...) sur le fondement de l’article 327 du code civil, afin que soit ordonnée une expertise biologique et que sa filiation avec Robert Z ... soit établie ;

Attendu qu’elle fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que l’effectivité du droit de connaître ses origines et de voir établie la filiation correspondante, garantis par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales commande au juge national de délaisser les restrictions posées par des dispositions internes dès lors que celles-ci portent une atteinte substantielle au droit revendiqué ; qu’est à cet égard excessive la restriction procédant de la prescription de l’action en contestation de la paternité prévue par les articles 320 et 321 du code civil quand le délai de prescription ne peut commencer à courir avant que l’enfant, devenu adulte, n’ait eu connaissance de l’identité de son père biologique ; qu’en retenant pour point de départ de la prescription de l’action en contestation de paternité le 9 février 1967, date de la majorité de la requérante, sans tenir compte de l’ignorance de sa filiation réelle, qui ne sera découverte qu’en 2005, la cour a méconnu les exigences de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 2°/ que toute restriction au droit à la connaissance de ses origines doit être nécessaire et proportionnée ; qu’en retenant que l’intérêt de la famille du père légitime, décédé avant la révélation des origines de la requérante, justifiait une restriction au droit à la connaissance de ses origines, sans autre examen de la position propre du père biologique qui, de son vivant, souhaitait voir reconnaître ledit lien de filiation, la cour n’a pas opéré la balance proportionnée des intérêts en présence et méconnu de ce chef encore les exigences de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu’aux termes des articles 146 du code de procédure civile et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s’il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; qu’en refusant d’examiner la demande d’expertise biologique formulée par la requérante, lors même que le père biologique avait consenti de son vivant à la réalisation d’un test génétique et souhaitait voir reconnaître le lien de filiation dont s’agit, sans s’expliquer autrement sur l’éventuelle légitimité d’interdire à la requérante de connaître ses origines et d’établir sa filiation, la cour a derechef méconnu les textes susvisés ;

Mais attendu, en premier lieu, que, contrairement aux énonciations de la première branche du moyen, la cour d’appel n’a pas déclaré l’action en contestation de paternité de Mme Y... irrecevable comme prescrite, mais a constaté l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 20 novembre 2007 et, par suite, l’existence d’une filiation définitivement établie entre Mme Y... et Roger X ..., faisant obstacle, en application de l’article 320 du code civil, à l’établissement d’une autre filiation qui la contredirait ;

Attendu, en second lieu, d’abord, que si l’impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’obstacle opposé à Mme Y... est prévu à l’article 320 du code civil et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à garantir la stabilité du lien de filiation et à mettre les enfants à l’abri des conflits de filiations ;

Attendu, ensuite, que l’arrêt relève que Roger X ... a reconnu Mme Y... en 1965 et a été son père aux yeux de tous jusqu’à son décès en 2001, sans que personne ne remette en cause ce lien de filiation conforté par la possession d’état ; qu’il ajoute que Mme Y..., elle-même, a disposé d’un délai de trente ans à compter de sa majorité pour contester la paternité de Roger X ..., ce qu’elle n’a pas fait, et qu’elle a hérité de ce dernier à son décès ; qu’ayant ainsi constaté que l’intéressée avait disposé de procédures lui permettant de mettre sa situation juridique en conformité avec la réalité biologique, la cour d’appel a pu en déduire que l’atteinte portée au droit au respect de sa vie privée n’était pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ; qu’en déclarant irrecevable l’action en recherche de paternité et, par suite, la demande d’expertise biologique, elle n’a donc pas méconnu les exigences résultant de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales »

 (Cass, Civ 5 octobre 2016, pourvoi n°15-25.507, publié au Bulletin)

 

 

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