Filiation : délai de prescription pour l’action en recherche de paternité
En droit interne, un intéressant arrêt vient d’être rendu : il s'agissait de l'établissement d'un lien de filiation. L'action était prescrite.
En effet, conformément à l'article 321 du Code civil, sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour ou la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté. A l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité.
La Cour d’appel constate que M. Bernard X... est devenu majeur le 25 août 1981, la prescription de dix ans prévue à l'article précité était donc acquise au 1er juillet 2006. En conséquence, il convient de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Pierre qui a déclaré irrecevable les prétentions de M. Bernard X....
La Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel pour n'avoir pas recherché si la mise en œuvre de la loi n'était pas en l'espèce disproportionnée au regard de l'atteinte faite à la vie privée...
Il s’agit là on pourrait le penser, d’une application du principe reconnu par la Cour Européenne des Droits de l’Homme à faire établir sa filiation biologique.
C’est ainsi que la Cour européenne des droits de l’Homme a considéré que l'impossibilité pour un homme de faire établir sa véritable filiation à l'égard de son père biologique était constitutive d'une violation de l'article 8 de la Convention :
« Le droit à l’identité dont relève le droit de connaître et de faire reconnaître son ascendance fait partie intégrante de la notion de vie privée » (§59).
« Les personnes essayant d'établir leur ascendance ont un intérêt vital, protégé par la Convention, à obtenir les informations qui leur sont indispensables pour découvrir la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle » (§62).
« La protection des intérêts du père présumé ne saurait constituer à elle seule un argument suffisant pour priver le requérant de ses droits au regard de l’article 8 de la Convention » (§64 – CEDH, 5ème Section, 16 juin 2011 Pascaud c/ France, Req. n°19535/08).
De même elle a pu affirmer que « L’intérêt supérieur de l’enfant se trouvait dans l’établissement de sa filiation réelle » (CEDH, 5ème Section, 14 janv. 2016, Mandet c/ France, Req. n° 30955/12).
« Sur le moyen unique :
Vu les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 321 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 13 mai 2015, pourvoi n° 14-13.133), que M. Bernard X..., né le [...] de Marie F... et reconnu par Camille X... [...] , a engagé, [...] , une action en contestation de la paternité de ce dernier et en établissement judiciaire de la paternité d'Auguste Z... à son égard ;
Attendu que, pour déclarer cette demande irrecevable, l'arrêt retient que, M. Bernard X... étant devenu majeur le 25 août 1981, la prescription de l'action en recherche de paternité était acquise au 1er juillet 2006 et que ce délai de prescription tend à protéger la sécurité juridique et les droits des tiers, de sorte qu'il n'est pas contraire à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, concrètement, dans l'affaire qui lui était soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription n'était pas disproportionnée au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ».
(Cass, Civ1, 21 nov 2018, pourvoi n° 17-21095, Publié au bulletin)
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