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Divorce : faute grave de l’un des époux de nature à le priver de prestation compensatoire

Le 21 janvier 2018
La prestation compensatoire , en matière de divorce est due pour compenser la disparité créé par le divorce, indépendamment des fautes commises. Il en va différemment si l'équité commande de ne pas allouer de prestation compensatoire.

La loi sur le divorce entrée en vigueur le 1er janvier 2005, a supprimé les dispositions selon lesquelles l’époux fautif était systématiquement privé de prestation compensatoire.

Néanmoins, à l’article 270 alinéa 3 du Code civil, il est prévu que l’époux fautif pourra néanmoins être privé de prestation compensatoire lors du divorce, « si l’équité le commande ».

Tel a été précisément ce qui a été jugé en l’espèce : l’épouse avait souscrit des prêts à la consommation en imitant la signature de son époux. La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation,  a considéré qu’il s’agissait d’une faute grave et que l’équité commandait de ne pas lui accorder de prestation compensatoire.

L'épouse a même été condamnée à verser à son mari des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle lui avait fait subir.

 

 « Sur le premier moyen :

 

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de prononcer le divorce à ses torts exclusifs, alors, selon le moyen :

 

1°/ que le divorce ne peut être prononcé pour des faits imputables à l'un des époux qu'à la double condition que ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et qu'ils rendent intolérables le maintien de la vie commune ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir, preuves à l'appui, que son époux avait été dûment informé de la souscription par elle d'emprunts destinés à financer les débuts de son activité professionnelle dès lors que les fonds qu'elle avait ainsi obtenus avaient été versés sur le compte joint du couple ; que la cour d'appel a retenu que M. Y... avait effectivement pu avoir connaissance du versement des emprunts litigieux sur le compte joint ouvert au Crédit agricole ; qu'en se fondant toutefois, pour retenir que ces crédits avaient été contractés par Mme X... à l'insu de son époux, sur la considération en réalité inopérante selon laquelle les sommes versées sur le compte joint avaient été rapidement débitées et versées sur d'autres comptes dont il n'avait pas connaissance, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 242 du code civil ;

 

2°/ que les fautes commises par le demandeur à l'action en divorce, susceptibles d'enlever aux faits reprochés au conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce, peuvent être prouvées par tout moyen ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir qu'elle n'avait pu réintégrer le domicile conjugal après son hospitalisation à la suite de manquements graves de M. Y... aux obligations du mariage, que ce dernier avait expressément reconnus lors de l'enquête sociale et qui consistaient, d'une part, à l'avoir abandonnée à son sort à la suite de son dramatique accident et, d'autre part, à lui avoir ensuite interdit l'accès au domicile conjugal alors qu'elle se trouvait dans un état de grande fragilité tant physique que psychologique ; qu'en affirmant, pour imputer la faute à Mme X... de ne pas avoir réintégré le domicile conjugal au terme de son hospitalisation, que le contenu de l'enquête sociale ne peut servir de preuve dans le cadre d'une action en divorce pour faute, la cour d'appel a violé les articles 245 et 259 du code civil ;

 

3°/ que la violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage peut être rapportée par tout moyen ; qu'en l'espèce Mme X... faisait valoir que les manquements graves de son époux, qui l'avait abandonnée à la suite de son dramatique accident avant de la chasser du domicile conjugal, étaient établis par les propres déclarations de l'intéressé qui avait indiqué, durant l'enquête sociale, qu'il datait sa « séparation au 20 juin 2010, date de l'accident de sa conjointe », que « pendant [qu'elle] naviguait d'hôpital en hôpital », « il a contacté un avocat et a porté plainte le 31 août 2010 » et que « quand elle a quitté les unités de soins et de repos, [il] n'était plus disposé à l'accueillir chez lui à Pers Jussy » ; qu'en affirmant, pour prononcer le divorce aux torts exclusifs de Mme X..., que le contenu de l'enquête sociale, qui repose sur les déclarations des intéressés eux-mêmes, ne peut servir de preuve à l'appui d'une demande en divorce pour faute, la cour d'appel a violé les articles 242 et 259 du code civil ;

 

4°/ que tout manquement grave ou renouvelé par un époux à son devoir d'assistance caractérise une faute susceptible de rendre intolérable pour son conjoint le maintien de la vie commune ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas établi que M. Y... ait abandonné son épouse à la suite du dramatique accident qui lui avait fracturé la colonne vertébrale dès lors, d'une part, que l'attestation en ce sens de M. Z... était nécessairement subjective compte tenu de ses liens avec Mme X... et, d'autre part, que l'attestation dans le même sens de M. A... ne pouvait concerner que les périodes durant lesquelles ce dernier avait lui-même rendu visite à Mme X... ; qu'en prononçant le divorce aux torts exclusifs de Mme X... sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les déclarations précises et concordantes de MM. Z... et A... n'étaient pas corroborées par le fait que c'est précisément au cours de cette même période que M. Y... avait décidé d'engager une procédure de divorce et des poursuites pénales à l'encontre de son épouse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 242 du code civil ;

 

5°/ que la violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage peut être rapportée par tout moyen, y compris par l'aveu ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir que son mari avait avoué, lors de l'enquête sociale, l'existence de relations extra-conjugales avec d'autres femmes qu'il avait présenté à leur fils ; qu'en prononçant le divorce aux torts exclusifs de Mme X... à la faveur d'une affirmation inopérante selon laquelle le contenu de l'enquête sociale, qui repose sur les déclarations des intéressés eux-mêmes, ne peut servir de preuve à l'appui d'une demande en divorce pour faute, la cour d'appel a violé les articles 242 et 259 du code civil ;

 

Mais attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article 373-2-12, alinéa 3, du code civil, l'enquête sociale ne peut être utilisée dans le débat sur la cause du divorce ; que, dès lors, la cour d'appel a exactement énoncé que le contenu de l'enquête sociale, qui relatait notamment les déclarations des parties, ne pouvait servir de preuve à l'appui de la demande en divorce ;

 

Attendu, ensuite, que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale au regard de l'article 242 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations souveraines par lesquelles les juges du fond ont estimé que les griefs invoqués par l'épouse n'étaient pas établis ;

 

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

 

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

 

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de prestation compensatoire ;

 

Attendu que, sous le couvert d'un grief non fondé de violation de l'article 270 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations souveraines par lesquelles les juges du fond ont estimé que l'équité commandait qu'au regard des circonstances particulières de la rupture, la demande de prestation compensatoire présentée par l'épouse, aux torts exclusifs de laquelle le divorce était prononcé, fût rejetée ; que le moyen n'est pas fondé ;

 

Sur le troisième moyen :

 

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, alors selon le moyen que la réparation d'un dommage doit avoir lieu sans perte ni profit pour la victime ; que les qualifications juridiques qu'un même fait peut revêtir sont sans incidence sur l'appréciation du dommage en résultant pour la victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que par un jugement en date du 1er octobre 2015, le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains a condamné Mme Y... à payer une somme de 4 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par son mari du fait de l'altération frauduleuse de sa signature à l'occasion de la souscription de crédits à la consommation ; qu'en affirmant, pour condamner Mme Y... à payer à son mari la somme de 1 000 euros au titre des mêmes faits, que l'indemnisation allouée sur le fondement de la faute pénale est différente de celle due au titre d'une violation des obligations du mariage, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

 

Mais attendu qu'après avoir relevé que, si M. Y... avait déjà été indemnisé du préjudice causé par les infractions de faux et usage de faux commises par son épouse, il continuait à devoir se justifier face aux manoeuvres financières abusives de celle-ci, bien qu'il ne soit plus engagé solidairement avec elle envers les créanciers, la cour d'appel a souverainement estimé que les circonstances ayant conduit à la rupture du lien matrimonial, dont les conséquences perduraient, étaient à l'origine d'un préjudice distinct de celui résultant de la dissolution du mariage et de celui réparé par la juridiction pénale, justifiant ainsi légalement sa décision ».

(Cass, Civ1, 13 décembre 2017, pourvoi n° 16-25256, Publié au bulletin).

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