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Un homme devenu femme ne peut pas être reconnu comme mère de son enfant

Le 03 novembre 2020
Un homme devenu femme ne peut pas être reconnu comme mère de son enfant
La Cour de cassation a refusé à une femme transgenre ayant procréé avec ses gamètes mâles, le droit de voir transcrire, dans l'acte de naissance de son enfant, sa reconnaissance prénatale de maternité, la mère étant celle qui a accouché

Civ. 1e, 16 septembre 2020, pourvois n°18-50.080 et n°19-11.225

 

Un homme devenu femme ne peut pas être reconnu comme mère de son enfant

 

 

La Cour de cassation refuse à une femme transgenre ayant procréé avec ses gamètes mâles, le droit de voir transcrire, dans l'acte de naissance de son enfant, sa reconnaissance prénatale de maternité.

 
 

En l’espèce, un homme marié et déjà père de deux enfants a obtenu son changement de sexe par un jugement en date de 2011 et est ainsi devenu une femme à l'état civil. Ayant conservé ses organes sexuels masculins, elle a conçu un enfant avec celle qui était demeurée son épouse. En 2014, elle a établi à l'égard de l'enfant une reconnaissance de maternité prénatale dont la transcription sur l’acte de naissance de l’enfant lui a été refusée par l’officier de l'état civil.

 

La Cour d’appel de Montpellier a rejeté sa demande de transcription sur les registres de l’état civil de la reconnaissance de maternité et a jugé qu’elle devait être inscrite sur l’acte de naissance de l’enfant comme « parent biologique ».

Deux pourvois en cassation ont été formés : le premier par la personne transgenre qui souhaitait être reconnue comme mère et le second par le procureur général qui contestait la mention « parent biologique », inexistante dans la loi française.

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir refusé la transcription de la reconnaissance maternelle mais casse l’arrêt en ce qu’il a créé une nouvelle catégorie à l’état civil.

 

Sur l’interdiction d’une double filiation maternelle

 

En l’espèce, la requérante cherchait à établir sa filiation via une reconnaissance de maternité. Toutefois, cette demande heurtait le droit de la filiation en ce qu’une filiation maternelle était déjà établie à l'égard de la gestatrice. 

 

Dans son arrêt, la Cour de cassation commence par constater qu’aucune disposition ne règle le mode d’établissement de la filiation des enfants engendrés après la modification de la mention de son sexe dans les actes de l’état civil de la personne transgenre.

 

La Cour de cassation énonce qu’il convient donc d’appliquer, en l’absence d’une filiation adoptive, les dispositions relatives à l’établissement de la filiation prévues au Titre VII du Livre premier du Code civil qui régit la filiation par le sang.

 

La Cour rappelle que l’article 311-25 du Code civil établit la filiation de la mère par désignation de celle-ci dans l’acte de naissance et que l’article 320 du Code civil interdit tout établissement de filiation qui viendrait contredire celle légalement établie tant qu’elle n’a pas été contestée en justice.

 

Affirmant l’impossibilité d’établir une double filiation maternelle et approuvant la décision de la Cour d’appel, la Cour de cassation conclut que « ces dispositions s’opposent à ce que deux filiations maternelles soient établies à l’égard d’un même enfant, hors adoption » (§16).

 

Sur l’établissement d’une filiation paternelle

 

La Cour de cassation applique ensuite les règles relatives à la filiation paternelle seule susceptible d’être reconnue en complément de la filiation maternelle.

 

Elle relève que dès lors que la présomption de paternité est écartée faute de désignation du mari en qualité de père dans l’acte de naissance, « en application des articles 313 et 316 alinéa 1er du code civil, la filiation de l’enfant peut, en revanche, être établie par une reconnaissance de paternité » (§17).

 

La Cour de cassation conclut ainsi de manière claire qu’« il résulte du droit positif qu’une personne transgenre homme devenue femme qui, après la modification de la mention de son sexe dans les actes de l’état civil procrée avec son épouse au moyen de ses gamètes mâles, n’est pas privée du droit de faire reconnaître un lien biologique avec son enfant, mais ne peut le faire qu’en ayant recours aux modes d’établissement de la filiation réservés aux pères » (§18).

 

Sur la solution

 

La Cour juge que cette solution est conforme aux articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 14 (principe de non-discrimination) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « CEDH ») ainsi qu'à l'intérêt supérieur de l'enfant.

 

La Cour de cassation affirme dans un premier temps que les dispositions nationales appliquées au cas d’espèce poursuivent un but légitime au sens de l’article 8 de la CEDH « en ce qu’elles tendent à assurer la sécurité juridique et à prévenir les conflits de filiation » (§22).

 

Elle affirme ensuite que ces dispositions sont conformes à l’intérêt supérieur de l’enfant, dont la considération doit être primordiale en vertu de l’article 3 § 1 de la Convention de New-York du 20 novembre 1989, pour deux raisons :

 

-        D’une part, en ce qu'elles permettent d’établir un lien de filiation à l'égard de ses deux parents « qui correspond à la réalité des conditions de sa conception et de sa naissance, garantissant ainsi son droit à la connaissance de ses origines personnelles » ; et

-        D'autre part, « en ce qu'elles confèrent à l'enfant né après la modification de la mention du sexe de son parent à l'état civil la même filiation que celle de ses frère et soeur, nés avant cette modification, évitant ainsi les discriminations au sein de la fratrie, dont tous les membres seront élevés par deux mères, tout en ayant à l'état civil l'indication d'une filiation paternelle à l'égard de leur géniteur, laquelle n'est au demeurant pas révélée aux tiers dans les extraits d'actes de naissance qui leur sont communiqués » (§23).

 

De plus, selon la Cour, ces dispositions concilient l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée et familiale de la personne transgenre ayant conçu l’enfant en ce qu’elles permettent par la reconnaissance de paternité, l'établissement d'un lien de filiation conforme à la réalité biologique (§24).

 

Par ailleurs elle juge qu’il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de la personne transgenre « au regard du but légitime poursuivi, dès lors qu'en ce qui la concerne, celle-ci n'est pas contrainte par là-même de renoncer à l'identité de genre qui lui a été reconnue » (§24).

 

Enfin, la Cour estime que « ces dispositions ne créent pas de discrimination entre les femmes selon qu'elles ont ou non donné naissance à l'enfant, dès lors que la mère ayant accouché n'est pas placée dans la même situation que la femme transgenre ayant conçu l'enfant avec un appareil reproductif masculin et n'ayant pas accouché » (§24).

 

Refus de créer une nouvelle catégorie de parent biologique à l’état civil

 

La Cour d’appel de Montpellier avait jugé que le lien biologique devait être retranscrit par l’officier de l’état civil sur l'acte de naissance de l’enfant sous la mention « parent biologique » au motif que seule  cette mention était de nature à concilier l'intérêt supérieur de l'enfant de voir établir la réalité de sa filiation biologique avec le droit de la requérante de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation avec l'enfant et le droit au respect de sa vie privée consacré par l'article 8 de la CEDH.

 

Selon la Cour d’appel, le terme neutre de « parent » pouvait s'appliquer indifféremment au père et à la mère et la précision « biologique », établissait la réalité du lien entre la requérante transgenre et son enfant.

 

Toutefois, au visa de l’article 57 du Code civil, la Cour de cassation casse cette décision en relevant que « la loi française ne permet pas de désigner dans les actes de l’état civil le père ou la mère de l’enfant comme parent biologique » et qu’ainsi la cour d’appel « ne pouvait créer une nouvelle catégorie à l’état civil » (§28, 30).

 

La Cour de cassation considère par ailleurs que le droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés fait obstacle à cette mention de « parent génétique » (§30).

 

 

Ainsi, par cette décision la Cour de cassation démontre son attachement à l'accouchement comme fondement de la maternité et refuse d'admettre une parenté asexuée. La femme transgenre dispose donc de la possibilité d’établir à l’égard de son enfant soit une filiation adoptive par le biais de l’adoption de l’enfant du conjoint, soit une filiation par le sang au moyen d’une reconnaissance de paternité.

 

Face à cet arrêt, le législateur interviendra peut-être prochainement afin de reconnaitre au nom de l’intérêt de l’enfant, une filiation dé-genrée et désexualisée qui permettrait d’accepter que les enfants aient simplement deux parents, peu importe leur sexe.

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