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Filiation paternelle après adoption à l’étranger et respect de la vie privée

Le 19 novembre 2020
Filiation paternelle après adoption à l’étranger et respect de la vie privée
En cas de recherche de paternité par un enfant adopté en Angleterre, un contrôle de proportionnalité doit s’opérer entre les intérêts en présence, à savoir ceux de l’adopté, du père déclaré, de la famille adoptive et la sécurité juridique

 

En cas de demande de reconnaissance de filiation paternelle française par un enfant adopté en Angleterre, un contrôle de proportionnalité doit s’opérer entre les intérêts en présence, à savoir ceux de l’adopté, du père déclaré, de la famille adoptive et l’intérêt général lié à la sécurité juridique.

 
 

 

En l’espèce, lors de la naissance de la défenderesse, Mme X, au Royaume-Uni, sa mère a déclaré à l’état civil un homme qui ne l’a jamais reconnue comme sa fille.

 

En 1958, cet homme a été condamné à payer des subsides à la mère de Mme X.

 

En 1966, suite au décès de sa mère, Mme X a été adoptée au Royaume-Uni par un couple de cousins de sa famille maternelle.

 

En 2010, Mme X a assigné son père déclaré en recherche de paternité. A la suite du décès de cet homme en cours de procédure, son fils issu d’une autre union, M. A...X…, est intervenu à l’instance.

 

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 21 novembre 2017, a déclaré l’action en établissement de la filiation paternelle biologique recevable et a ordonné une expertise biologique.

 

La Cour d’appel a d’abord justement rappelé que la loi anglaise compétente faisait obstacle à la reconnaissance d’un lien de filiation qui viendrait contredire celui créé par l’adoption prononcée en Angleterre, laquelle produisait les effets de l’adoption plénière du droit français, en application de l’article 370-5 du Code civil.

 

En effet, selon l'article 39 de l'Adoption Act de 1976, un enfant adopté est considéré comme s'il n'était l'enfant d'aucune autre personne que celui de l’adoptant.

 

En vertu de l’article 356 du Code civil, l’adoption plénière confère à l’enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine : l’adopté cesse alors d’appartenir à sa famille par le sang, sous réserve des prohibitions au mariage.

 

Ainsi, par une assimilation de l’adoption anglaise à l’adoption plénière en France, il existe en France et en Angleterre une rupture complète et irrévocable du lien de filiation entre l’adopté et ses parents naturels.

 

 

Puis la Cour d’appel a estimé qu’en application du droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »), il convenait d’établir un juste équilibre dans la pondération des intérêts concurrents, à savoir, d’un côté, le droit de Mme X de connaître son ascendance et de la voir légalement établie, de l’autre, le refus du père déclaré lorsqu’il était vivant, puis de son héritier M. A... X..., qui se sont systématiquement opposés aux demandes de Mme X et, enfin, l’intérêt général lié à la sécurité juridique.

 

En effet, la Cour européenne des droits de l’homme a à plusieurs reprises affirmé que le droit de connaître son ascendance se trouve dans le champ d'application de la notion de « vie privée, qui englobe des aspects importants de l’identité personnelle dont l’identité des géniteurs fait partie » (CEDH, 13 févr. 2003, n° 423261/98, § 29, Odièvre c. France et CEDH, 13 juill. 2006, n° 58757/00, § 25, Jäggi c. Suisse).

 

Les juges du fond ont estimé que l’intérêt de M. A... X... était de moindre importance que l’intérêt de Mme X.

 

La Cour d’appel a ensuite énoncé que si le droit anglais empêchait l’établissement d’une autre filiation en présence d’une adoption, il n’interdisait pas pour autant la remise en cause de cette adoption dans certaines circonstances.

 

A ce titre, la Cour d’appel soulignait que l’adoption de Mme X avait été obtenue dans des conditions particulières, alors que les assistants sociaux avaient adressé plusieurs lettres restées sans réponse au père déclaré, qu’ils s’étaient rendus en France afin de le rencontrer, sans parvenir à entrer en contact avec lui, que seule l’épouse de celui-ci avait contacté téléphoniquement les enquêteurs sociaux, en indiquant qu’elle désapprouvait cette adoption, sans donner de motifs, que le désintérêt du père déclaré à l’égard de Mme X avait été constant jusqu’à ce qu’elle reprenne contact avec lui en 2008 et, encore, que, bien que condamné à payer des subsides, il avait cessé ses paiements quelques années après, ce qui avait contraint les cousins de la mère de Mme X à demander l’adoption de la mineure afin d’obtenir des prestations familiales pour l’élever.

 

M. A…X… s’est alors pourvu en cassation.

 

La Cour de cassation dans son arrêt du 14 octobre 2020, casse l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article 8 de la CEDH, estimant que l’action en recherche de paternité de Mme X devait être déclarée irrecevable.

 

La Cour de cassation a tout d’abord jugé que Mme X, qui connaissait ses origines personnelles, n’était pas privée d’un élément essentiel de son identité.

 

Comme le soulevait M. A…X… dans son pourvoi, Mme X connaissait déjà ses origines, dans la mesure où celle-ci tenait pour acquis qu’elle était la fille biologique de son père déclaré dont elle portait le nom depuis sa naissance.

 

Puis, la Cour de cassation a relevé que le père déclaré de Mme X, et son héritier, M. A…X… n’avaient jamais souhaité établir de lien, de fait ou de droit, avec elle.

 

Par une mise en balance des intérêts de M. A... X..., de ceux de la famille adoptive et de l’intérêt général attaché à la sécurité juridique et à la stabilité des liens de filiation adoptifs, la Cour de cassation a estimé que « l’atteinte au droit au respect de la vie privée de Mme X... que constituait l’irrecevabilité de l’action en recherche de paternité ne revêtait pas un caractère disproportionné ».

 

La Cour énonce également que la cassation de l’arrêt du 21 novembre 2017 ayant déclaré l’action recevable entraîne par voie de conséquence et en application de l’article 625 alinéa 2 du Code de procédure civile, l’annulation de l’arrêt du 19 mars 2019 ayant statué au fond sur la paternité du père déclaré de Mme X.

 

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