Un intersexué reconnu de "sexe neutre" par un tribunal : inédit. La loi pourrait changer
LE PLUS. Ni homme, ni femme. Une personne intersexuée, née avec un "vagin rudimentaire" et un "micropenis", a obtenu le droit de faire apposer la mention "sexe : neutre" sur son état civil. Le jugement a été rendu par le tribunal de grande instance de Tours. Il s’agit d’une première en Europe. Mais que dit exactement la loi ? Réponse de Laurence Mayer, avocate spécialiste en droit de la famille.
Un citoyen français ne peut naître qu’homme ou femme. Selon la loi, il n’existe pas de genre "neutre".
Le sexe de l’enfant est déterminé à la naissance par le médecin. Sur l’acte de naissance, l’officier d’état civil précisera s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Voici ce que dit l’article 57 du Code civil :
"L'acte de naissance énoncera le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant, les prénoms qui lui seront donnés, le nom de famille."
Selon les articles 99 et 60 du Code civil, le changement d’état civil existe. Des erreurs peuvent arriver, notamment sur les prénoms, mais je n’ai jamais été confronté à une erreur de sexe.
"Tout individu doit être rattaché à un sexe féminin ou masculin"
Lorsqu’un enfant naît, si son organisme est sexuellement ambigu et qu’il dispose des attributs des deux sexes, le médecin doit choisir. Dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 janvier 1974, il est dit :
"Tout individu, même s'il présente des anomalies organiques, doit être obligatoirement rattaché à l'un des deux sexes masculin ou féminin."
Le "neutre" n’existe pas et il n’est pas prévu par la loi. À l’heure actuelle, une personne hermaphrodite doit elle aussi être dotée d’un sexe féminin ou masculin sur son état civil.
Mais il est certain que la nécessité d’un choix favorise une orientation de la personne vers une féminisation ou une masculinisation.
Ni homme, ni femme, donc neutre
Par exemple, j’ai déjà été confrontée à des clients transexuels qui se sentent femmes, mais ont un corps d’homme. Pour faire coïncider leur sexe à ce que ces personnes ressentent, elles suivent un traitement hormonal, ont recours à la chirurgie, sont suivies par un psychiatre.
Une fois leur projet abouti, j’assigne le procureur de la République pour réclamer un changement de sexe auprès de l’état civil.
Dans le cas présent, cette personne intersexuée n’a eu besoin de faire aucune démarche dans la mesure où elle-même le reconnaît : elle ne se sent ni homme, ni femme.
Par conséquent, elle n’a subi aucune opération et n’a pas un sexe déterminé, mais les attributs des deux genres. Alors pourquoi ne pourrait-elle pas être considérée comme du genre "neutre" ?
Nous devons lui accorder la présomption de vérité. En effet, puisqu’il existe des preuves contraires, on peut s’interroger quant à la sexualité de cette personne. Dire qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme est erroné puisque la personne dispose à la fois d’attributs féminins et masculins.
Le respect à la vie privée
L’article 8 de la convention européenne des Droits de l’homme énonce :
"Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance."
Au nom du droit au respect de la vie privée et familiale, cette personne intersexuée peut donc légitimement demander une rectification de son état civil afin qu’il n’y ait plus de discordances entre le sexe apparent et l’état civil.
Une grande première qui pourrait faire changer la loi
Le jugement émis par le tribunal de grande instance de Tours ouvre des brèches pour d’autres personnes qui seraient dans le même cas.
C’est une grande première. Le parquet a fait appel de cette décision, mais que le jugement soit confirmé ou infirmé, la cour de Cassation pourrait être saisie. Si elle tranche dans le même sens alors il est possible que la jurisprudence fasse évoluer le droit.
Si le sexe d’une personne est difficilement identifiable à cause d’anomalies sexuelles – ce qui est le cas pour les personnes hermaphrodites ou intersexuées – il aurait le droit de réclamer de voir apposer à l’état civil et sur sa carte d’identité la mention "neutre".
Si les transsexuels ont le droit de faire concorder leur physique à leur état civil, pourquoi une personne intersexuée, ne le pourrait-elle pas ?
Propos recueillis par Louise Auvitu
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