Mariage gay: la droite peut-elle vraiment revenir sur la loi en 2017 ?
De Jacob à Fillon en passant par Pécresse, bon nombre d'élus UMP promettent d'abroger la loi sur le mariage homosexuel en cas d'alternance en 2017. Discours crédible ou effet d'annonce? Réponse des experts en droit.
Dire son opposition au mariage homosexuel sans passer pour un parti rétrograde. Voilà, en somme, la mission que s'est confiée l'UMP alors que le texte a été approuvé ce mercredi en conseil des ministres et sera examiné par le Parlement en janvier. Outre l'appel à plus de concertation, un étrange argument sort régulièrement de la bouche de l'opposition: la promesse que s'ils reviennent au pouvoir en 2017, la loi serait tout bonnement modifiée, voire annulée. Mais encore peu à l'aise sur ce sujet, la droite peine à aiguiser ses arguments.
"Ce n'est pas un texte sur lequel je considère qu'il ne faut pas revenir" dégaine en premier François Fillon, dans une tournure de phrase un brin alambiquée, le 25 octobre. "Evidemment il faudra revenir dessus", "Il faudrait l'abroger"... renchérissent en choeur dimanche le filloniste Laurent Wauquiez et le copéiste Christian Jacob par médias interposés.
Si force est de constater que la position fait consensus d'un camp comme de l'autre, aucun de ces députés ne précise sous quelles modalités ils entendent mener à bien leur projet. Cette fois, l'argument de l'opacité se retourne contre eux. Car que deviendraient alors les couples déjà mariés sous la gouvernance socialiste? Difficile d'imaginer que subsisteraient pendant des décennies des exceptions de la République.
"Un vide juridique"
Interrogés par l'Express, quatre avocats spécialistes en droit de la famille émettent des doutes quant à la véracité des propos des élus UMP. Tous préfèrent parler d'annonces politiques plutôt que de réelles réflexions juridiques. "Une loi n'a normalement pas d'effet rétroactif", rappelle Béatrice Ghelber, avocate au barreau de Paris. "Je n'y crois pas. Par le passé, jamais la droite n'est revenue sur le Pacs. Cela créerait un vide juridique encore jamais vu", glisse quant à lui Jean-Pierre Cuny, avocat à Versailles.
Valérie Pécresse semble pourtant avoir trouvé la solution aux tourments de la droite. L'argument imparable. Ce lundi, sur LCI, la députée des Yvelines préconise la création d'un "statut d'union civile" où seront transférés les droits des couples homosexuels. En clair, la nuance serait sémantique car seule la forme serait modifiée. Des propos qui ressemblent fort à ceux de François Bayrou début octobre, lorsque le président du MoDem avait proposé d'accorder les mêmes droits aux couples homosexuels mais sous le titre "union" et non "mariage". Une façon donc de rassurer les conservateurs aguerris, rester dans son rôle d'opposition, le tout en gardant l'image d'un parti moderne.
Pour Boutin, il n'y a que l'activisme de vrai
Sous cet angle, Xavier Prugnard de La Chaise, inscrit au barreau de Paris, concède la faisabilité, bien que compliquée, du projet. "Cela réglerait le problème de la rétroactivité, le mariage n'est pas annulé, le nom voire les droits sont modifiés a posteriori." Le spécialiste de la famille reste néanmoins sceptique. La procédure serait floue et la Cour européenne des droits de l'homme serait abreuvée en recours en justice. "Cela créerait un statut discriminatoire et les couples plaideraient l'inégalité", conforte Jean-Pierre Cuny. "Sur le plan humain, les conséquences seraient désastreuses", juge Laurence Mayer, avocate à Paris.
Au final, l'activisme intensif avant l'adoption de la loi serait la seule solution pour barrer la route du gouvernement. C'est en tout cas ce que pense Christine Boutin, présidente du Parti démocrate chrétien: "Il ne faut pas dire ça à nos concitoyens. On ne pourra pas revenir en arrière, on ne peut pas démarier des gens."
Pour cette fervente opposante au mariage homosexuel, le référendum constituerait l'arme de dernier recours. Problème, l'UMP, de Bertrand à Fillon, n'est pas farouchement emballée à l'idée. Pire, selon un sondage, 58% des Français sont toujours favorables à la réforme. De quoi encore créer des tourments à droite et laisser souffler la gauche, qui peine à convaincre sur les autres sujets de société.
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