Comment fixer la pension alimentaire pour un enfant
Le coût net des enfants est plus élevé pour le parent qui n'en a pas la garde, en général le père, observe France Stratégie qui propose un système pour "mieux" partager les charges liées aux enfants.
France Stratégie a publié, jeudi 18 juin, une note de synthèse consacrée au partage des charges liées aux enfants après un divorce ou une séparation. Il en ressort que les deux parents perdent en niveau de vie, mais que le coût net des enfants est plus élevé pour celui qui n'en a pas la garde une fois les aides ajoutées et les impôts déduits. Un vrai phénomène de société puisque chaque année plus de 150.000 couples avec enfants mineurs se séparent, ce qui donne lieu à un contentieux important surtout pour déterminer le montant de la pension alimentaire. C'est presque toujours le versement de ladite pension alimentaire qui répond aux exigences de l'article 371-2 du code civil selon lequel "chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant". Il s'agit bien des charges directement liées aux besoins vitaux de l'enfant (nourriture, logement, etc) et non d'une prestation compensatoire qui permet de "compenser la disparité que la rupture du mariage a crée dans les conditions de vie respective" des deux ex-époux.
Les pères sont les perdants
Dans les faits, la pension alimentaire est en général versée par le père. En effet, les affaires passées devant un juge en 2012 ont abouti à ce que 73% des enfants résident chez leur mère, 17% en résidence alternée et 10% chez leur père. Pour aider à évaluer le montant de cette prestation, le ministère de la Justice a établi un barème indicatif en 2010. La pension y est calculée comme une proportion du revenu du parent non gardien qui dépend du mode de garde et du nombre d'enfants. Avec un enfant, son montant est évalué à 18% des revenus du parent non gardien dans le cas d'une garde réduite (où le parent ne voit quasiment pas son enfant) ; à 13,5% dans le cas d'une garde classique (un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires) ; et à 9% en cas de garde alternée. "Ce barème n'est comme son nom l'indique, qu'indicatif, insiste Me Laurence Mayer, avocate au barreau de Paris spécialisée en droit de la famille. La cour de cassation a d'ailleurs sanctionné une décision qui ne s'était basée que sur le barème pour déterminer le montant de la pension". (Cour de cassation 23 octobre 2013, 1ère chambre civile) "C'est le travail des conseils et des juges de gérer leurs dossiers avec la minutie nécessaire pour déterminer les montants à verser le plus en corrélation avec la réalité et les possibilités de chacune des parties", ajoute l'avocate. Sachant qu'avec ou sans enfants, la vie de couple permet en effet de mettre en commun revenus et dépenses et de bénéficier d'économies d'échelle qui disparaissent avec la séparation.
Un barème rarement appliqué par les juges
France Stratégie a comparé les montants décidés par les juges avec ceux qui découleraient d'une application du barème. L'organisme de réflexion et de recommandations au gouvernement, rattaché à Matignon, est parti du postulat que sur les 126.000 décisions rendues par les juges des affaires familiales en 2012 et qui concernent 200.000 mineurs:
- pour un quart d'entre elles (32% des enfants), aucune contribution n'a été fixée (pour la grande majorité, il s'agit des cas de résidence alternée et de résidence habituelle chez le père).
- pour l'ensemble des pensions alimentaires versées, le montant moyen s'élève à 170 euros par mois et par enfant.
Mais les auteurs de l'étude ont remarqué que les montants fixés par les juges sont en moyenne légèrement inférieurs à ceux qui découleraient du barème. Face à cela, Madhi Ben Jelloul et Pierre-Yves Cusset proposent trois pistes pour coller davantage à la réalité:
- de modifier la législation socio-fiscale pour qu'elle s'adapte mieux à la situation des parents séparés, notamment des plus démunis. "Par exemple, en donnant une part fiscale au parent non gardien ou en instaurant des allocations logement pour le parent non gardien", note Pierre-Yves Cusset. L'un des enjeux serait que les parents non gardiens puissent exercer leur droit de visite et d'hébergement dans de bonnes conditions.
- de modifier la table de référence pour le calcul des pensions alimentaires pour avoir une méthode de calcul en cohérence avec un critère d'équité accepté.
- a minima, de proposer aux juges et aux parents un outil permettant de simuler la situation financière des deux ménages issus de la séparation, en intégrant l'impact du système socio-fiscal. France Stratégie et Etalab ont d'ailleurs développé un logiciel de micro-simulation OpenFisca qui répond à l'ensemble de ces critères. Ce système applique le barème de la Chancellerie pour la pension alimentaire mais prenant en compte les effets des économies d'impôts et prestations sociales liées aux enfants. S'il est consultable en ligne, cet outil n'est pas vraiment adapté au grand public en ce sens qu'il ne permet pas de faire les comparaisons nécessaires à chaque situation, les utilisateurs devant faire plusieurs manipulations correspondant aux situations de parents en couple, parent divorcé avec garde, etc. "Pour l'heure, c'est une sorte de base", indique Pierre-Yves Cusset qui s'en est servi pour détailler un certain nombre de situations:
Pour un couple où chacun des parents gagne 1,5 Smic et qui a deux enfants de moins de 14 ans en garde "classique", le parent ayant la garde de l'enfant bénéficie d'un avantage socio-fiscal de 4.225 euros, alors que le parent non gardien ne bénéficie que de 557 euros, correspondant à la déduction de la pension alimentaire de ses revenus imposables. Lorsqu'ils vivaient en couple, les parents consentaient à eux deux un sacrifice de niveau de vie de 23% par rapport à une situation sans enfants. Après la séparation, toujours en garde classique, ce sacrifice est de 23% pour le parent gardien et 31% pour l'autre parent. En garde alternée, il est de 4% pour le parent bénéficiant de la pension alimentaire et de prestations sociales ne pouvant faire l'objet d'un partage (allocation de rentrée scolaire par exemple), et de 31% pour l'autre.
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